par Coraline Lafon
Les frères Dardenne sont au cinéma social francophone ce que Ken Loach est au cinéma social anglophone. Depuis Rosetta, ils nous ont habitué à des situations compliquées mais actuelles, « deux jours, une nuit » reste dans la même veine. Les réalisateurs jouent ici sur un thème du quotidien qui sonne malheureusement un peu faux. Cette mère de famille, dépressive, qui a seulement un week-end pour convaincre des collègues (pas des amis, ni des proches, non, juste des collègues) d’abandonner un avantage financier dans un pays en crise, semble se confronter à un combat perdu d’avance. Cette prime de 1000 euro, c’est si peu et tellement à la fois. C’est aussi un peu irréaliste (1000 euro par personne pour 16 employés… cela n’équivaut certainement pas au salaire annuel (+charges) de Sandra). Mais bon, on ne va pas faire ici un cours de droit du travail…
C’est le jeu des acteurs qui fait toute l’œuvre. Fabrizio Rongione, un habitué des films des frères Dardenne (5ème collaboration depuis Rosetta), joue majestueusement le mari qui soutient sa femme, envers et contre tout. Mais c’est quand même Cotillard qui porte le long métrage, puisqu’elle est présente dans chaque scène et les plans-séquences se focalisent sur elle. Même si on aurait aimé la voir s’emporter plus, élever la voix, se révolter davantage ; elle arrive, dans son débardeur rose et sans maquillage, à donner corps à Sandra. Son combat devient celui du spectateur et l’on attend qu’une chose : savoir si elle a réussi à convaincre. L’actrice prouve ici tout son talent, parce que c’est quand même une prouesse d’acteur : utiliser plus de 10 fois les mêmes phrases, les mêmes mots auprès de ses collègues, et arriver à nous donner plus de 10 scènes d’émotions et d’intensité différentes, c’est beau. La scène sur le terrain de foot avec son collègue Timur, par exemple, est puissante. Si la fin du scénario est un peu prévisible, c’est aussi la fin de son combat et elle en sort grandie, peut-être même guérie.
7ème film consécutif des frères Dardenne en compétition officielle à Cannes, « deux jours, une nuit » a fait parler la Croisette et attisé la curiosité du public (presque 500,000 entrées déjà). Certains ont adoré, d’autres détesté. Mais il est certain qu’il ne laisse pas indifférent, donc courez dans vos salles pour vous faire votre propre opinion !
Coraline Lafon