par Coraline Lafon
C’est la deuxième fois que Denis Villeneuve adapte au cinéma une œuvre littéraire. En effet, le long-métrage « Incendies », cette petite merveille sortie en 2010, était à l’origine une pièce de théâtre écrite par Wajdi Mouawad. Cette fois-ci, c’est la nouvelle "O Homem Duplicado" qui a inspiré le réalisateur. Et on peut dire que José Saramago, l’auteur de l’ouvrage, a une imagination débordante. Entre psychologie et métaphore, l’histoire laisse beaucoup de place à l’interprétation. Cela peut d’ailleurs dérouter le spectateur, d’autant plus que la réalisation laisse planer une ambiance oppressante et mystérieuse pendant 90 minutes. Filtre de couleur jaune, alternance entre silence et musique stridente, très peu de personnages donc très peu de dialogues, beaucoup de répétition, de lenteur : tout est fait pour déclencher la gêne voire l’angoisse. Et comme c’était l’objectif, on ne peut que s’incliner.
Cette oeuvre aborde de manière vraiment originale, et parfois dérangeante, les thèmes du contrôle, de la fidélité, de l’engagement et de tous ces duels, ces combats que l’on mène contre nos propres subconscients. Pour les amateurs de films psychologiques, pour les curieux et pour tous ceux qui aiment analyser, interpréter ou fouiller dans chaque détail d’un scénario pour mieux le comprendre, ce film va vous plaire. Par contre, pour ceux qui aiment les histoires compréhensibles sans l’aide d’un forum sur internet, « Enemy » risque peut-être de rendre un peu décevante votre soirée ciné de la semaine.
Cela dit, pour les plus réticents, Jake Gyllenhaal, qui collabore pour la seconde fois avec Denis Villeneuve depuis « Prisoners », est un bon argument pour aller voir « Enemy ». L’acteur, qui avait déjà réussi à nous fasciner il y a plus de 10 ans en interprétant Donnie Darko, confirme une fois de plus son talent. Presque seul à l’écran tout au long du film, puisqu’il joue à la fois le rôle de Adam et celui de Anthony, il arrive à donner aux deux personnages des tonalités très différentes mais très réaliste, bien que ce rendu soit un peu aidé par un dispositif de "motion control".
Que ce soit votre genre de film ou non, le thriller canadien ne vous laissera en tout cas pas de marbre. Et même si le long-métrage n’est clairement pas au même niveau qu’ « Incendies », il reste tout de même intéressant. De toute façon, rien de mieux que d’aller le découvrir par vous-même pour vous en faire une idée.
Coraline Lafon