par Coraline Lafon
Un titre qui laisse explicitement entrevoir la notion d’un triangle amoureux douloureux, un synopsis qui annonce clairement une histoire basée sur l’ambiguïté, la souffrance et l’omission, le tout rythmé par des plages musicales oppressantes et des situations aux élans dramatiques : le 21e long-métrage de Benoît Jacquot s’affiche clairement comme étant un mélodrame. Pendant 110 minutes, on assiste en effet à l’errance d’un homme dont la vie oscille entre ses différents problèmes de cœur, littéralement et métaphoriquement.
L’ambiance générale est pesante, torturée. Les longueurs, la tension palpable et la voix off qui prend parfois à parti le spectateur ne rendent pas le scénario plus léger. Mais, même si régulièrement on a envie d’hurler à Marc de prendre sa vie en main et d’arrêter le massacre émotionnel, on ne peut s’empêcher d’être attristé voir écoeuré par les jeux cruels que lui joue le destin. On rentre vite dans l’intimité des personnages et on veut y participer : on cherche des solutions, on s’inquiète des réactions et on s’offusque de voir les relations s’effriter ou se confronter. Bref, le film nous provoque des émotions, bonnes ou mauvaises, mais on ne repart pas sans rien.
On remercie au passage la chargée de casting d’avoir opté pour Charlotte Gainsbourg plutôt que pour Marion Cotillard, car la fille de l’homme à la tête de chou apporte beaucoup au film. Sa douceur, son naturel, sa fébrilité donnent du souffle, une respiration haletante et saccadée à un scénario un peu faiblard et parfois incohérent. Elle sauve au passage, par ses regards perdus, ses mains tremblantes allumant une cigarette et ses cheveux en bataille, le couple qu’elle forme à l’écran avec Poolvoerde. Car si le personnage de Marc, qui a pourtant été conçu sur mesure pour l’acteur belge, est réaliste, il manque malheureusement parfois de justesse et de profondeur. Dans le même registre un peu dramatique, Poelvoorde était par exemple beaucoup plus convaincant dans le rôle d’Antoine dans le tout récent « Une place sur la terre ». Catherine Deneuve est toujours aussi éblouissante et est dans la vie comme à l’écran la mère de Chiara Mastroianni, qui elle aussi arrive à donner à son personnage, la fragilité et l’insouciance que nécessite son rôle.
La fin est à double tranchant : laisser libre cours à l’interprétation est toujours un peu facile mais finalement, cela nous rappelle aussi qu’un rien peu changer le cours de notre vie. En tout cas, « 3 coeurs » est un film à découvrir si vous aimez les histoires à la « Roméo et Juliette » ! Bonne séance.
Coraline Lafon