Après avoir tenté d’en renverser plusieurs au volant de sa voiture, il finit par blesser et tuer des auto-stoppeuses choisies au hasard. L’homme est partout et nulle part, échappant aux pièges des enquêteurs et aux barrages. Il en réchappe d’autant plus facilement qu’il est en réalité un jeune et timide gendarme qui mène une vie banale et sans histoires au sein de sa brigade. Gendarme modèle, il est chargé d’enquêter sur ses propres crimes jusqu’à ce que les cartes de son périple meurtrier lui échappent.
CE QU'ON EN PENSE : «Des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs.»
C'est l'avertissement dont est affublée l'oeuvre, et ce n’est pas peu dire. « La prochaine fois je viserai le coeur » ne nous loupe pas et provoque malaise et confusion. Est-ce parce que le film est basé sur une histoire vraie ? Est-ce parce qu’il nous confronte au fait dérangeant que même un homme respectable peut être un assassin ? Sans doute. Mais les choix de réalisation de Cédric Anger jouent également en faveur de l’oppression et de la gêne : très peu de dialogues, une musique pesante, des couleurs pâlottes ou sombres, peu de personnages et de la violence, qu’elle soit explicite ou implicite.
Le fait que la caméra (et donc le spectateur) soit en immersion dans la vie du tueur permet de rentrer dans l’intimité du personnage principal et de vivre les évènements à travers lui. Mais, contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette perspective un peu atypique (on a plus l’habitude, dans un thriller, d’être du côté des enquêteurs ou des policiers) ne rend pas pour autant Franck plus accessible et plus compréhensible. C’est d’ailleurs précisément dans cette incompréhension que réside toute la richesse du film : même en étant aux côtés du tueur pendant les presque deux heures de projection, on ressort de la salle sans savoir vraiment qui était cet homme et quelles étaient ses motivations. On reste donc sous le choc d’avoir été complices indirects de crimes qu’on ne sait absolument pas expliquer et ce sentiment rend le long métrage aussi angoissant qu’excellent.
La tension palpable est aussi portée à bout de bras par un Guillaume Canet vraiment bluffant : violent, agressif, instable, parfois touchant, l’acteur est plus que convaincant en incarnant pour la deuxième fois cette année un personnage issu d’un fait divers. En effet, après « L’homme qu’on aimait trop » de André Téchiné qui retraçait l’histoire de l'affaire Agnelet, « La prochaine fois je viserai le coeur » illustre le cas d’Alain Lamare, un gendarme qui tuait des jeunes femmes en Oise dans les années 70. Une affaire comme celle-ci, mettant en scène un homme mi enquêteur, mi assassin, était forcément une bonne source d’inspiration pour un cinéaste, une affaire de Docteur Jeckyll et Mister Hyde des temps modernes. Et Cédric Anger s’est appliqué, avec bien sûr une part de fiction, à retranscrire au mieux les éléments de l’enquête. Les questionnements tels que « Pourquoi fait-il ça ? Pourquoi se punit-il ? Quelles sont ses intentions ? » qui nous suivent tout le long du film sont par exemple très pertinentes et nourrissent le fait que, dans la réalité, Alain Lamare n’a jamais été emprisonné : il a été jugé malade mental et « non responsable de ses actes » ce qui explique son comportement indéchiffrable. Il est de nos jours toujours interné en asile psychiatrique.
Finalement, « La prochaine fois je viserai le coeur » est un thriller parfaitement maitrisé et réussi, grâce au talent de son metteur en scène et à la performance d’un Guillaume Canet très inquiétant. On ressort de la salle bien secoué, certes, mais persuadé d’avoir assisté à un excellent moment de cinéma.
Coraline Lafon
par Coraline Lafon
«Des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs.»
C'est l'avertissement dont est affublée l'oeuvre, et ce n’est pas peu dire. « La prochaine fois je viserai le coeur » ne nous loupe pas et provoque malaise et confusion. Est-ce parce que le film est basé sur une histoire vraie ? Est-ce parce qu’il nous confronte au fait dérangeant que même un homme respectable peut être un assassin ? Sans doute. Mais les choix de réalisation de Cédric Anger jouent également en faveur de l’oppression et de la gêne : très peu de dialogues, une musique pesante, des couleurs pâlottes ou sombres, peu de personnages et de la violence, qu’elle soit explicite ou implicite.
Le fait que la caméra (et donc le spectateur) soit en immersion dans la vie du tueur permet de rentrer dans l’intimité du personnage principal et de vivre les évènements à travers lui. Mais, contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette perspective un peu atypique (on a plus l’habitude, dans un thriller, d’être du côté des enquêteurs ou des policiers) ne rend pas pour autant Franck plus accessible et plus compréhensible. C’est d’ailleurs précisément dans cette incompréhension que réside toute la richesse du film : même en étant aux côtés du tueur pendant les presque deux heures de projection, on ressort de la salle sans savoir vraiment qui était cet homme et quelles étaient ses motivations. On reste donc sous le choc d’avoir été complices indirects de crimes qu’on ne sait absolument pas expliquer et ce sentiment rend le long métrage aussi angoissant qu’excellent.
La tension palpable est aussi portée à bout de bras par un Guillaume Canet vraiment bluffant : violent, agressif, instable, parfois touchant, l’acteur est plus que convaincant en incarnant pour la deuxième fois cette année un personnage issu d’un fait divers. En effet, après « L’homme qu’on aimait trop » de André Téchiné qui retraçait l’histoire de l'affaire Agnelet, « La prochaine fois je viserai le coeur » illustre le cas d’Alain Lamare, un gendarme qui tuait des jeunes femmes en Oise dans les années 70. Une affaire comme celle-ci, mettant en scène un homme mi enquêteur, mi assassin, était forcément une bonne source d’inspiration pour un cinéaste, une affaire de Docteur Jeckyll et Mister Hyde des temps modernes. Et Cédric Anger s’est appliqué, avec bien sûr une part de fiction, à retranscrire au mieux les éléments de l’enquête. Les questionnements tels que « Pourquoi fait-il ça ? Pourquoi se punit-il ? Quelles sont ses intentions ? » qui nous suivent tout le long du film sont par exemple très pertinentes et nourrissent le fait que, dans la réalité, Alain Lamare n’a jamais été emprisonné : il a été jugé malade mental et « non responsable de ses actes » ce qui explique son comportement indéchiffrable. Il est de nos jours toujours interné en asile psychiatrique.
Finalement, « La prochaine fois je viserai le coeur » est un thriller parfaitement maitrisé et réussi, grâce au talent de son metteur en scène et à la performance d’un Guillaume Canet très inquiétant. On ressort de la salle bien secoué, certes, mais persuadé d’avoir assisté à un excellent moment de cinéma.
Coraline Lafon