Hibou

D'Eric et Ramzy on connait surtout les pochades néo-burlesques, de leurs émissions à la radio, les fameux "Mots d'Eric et Ramzy", leurs films frappadingues. Et pourtant depuis quelques années les deux compères ont développé une autre facette de leur talent. Déjà "Steak" de Quentin Dupieux surprenait, "Platane" la série d'Eric en solo déroutait, on pense aussi au court-métrage "Pecan Pie" de Michel Gondry. Et c'est ce dernier lien qui saute au visage lorsque l'on visionne "Hibou", Ramzy est clairement dans la filiation lunaire du réalisateur de "Soyez sympa rembobinez".

Le scénario laisse clairement peu de place au réalisme. Et c'est le parti-pris assumé de ce long-métrage. Ramzy a décidé de laisser libre cours à la rêverie, dans ce monde où se promener habillé en hibou ou en panda semble sinon logique sinon normal, un univers où l'on peut survivre en ne se nourrissant que de thon.

Beaucoup de réalisateurs tentent l'incursion dans le lunaire. Le principal problème étant que face à la folie douce, il faut maitriser son cadre, la vieille histoire du fond et de la forme. Pari réussi pour "Hibou". Ramzy place l'action de son film dans un endroit indistinct, mais l'on reconnait le paysage urbain de l'Amérique du Nord. D'ailleurs certains accents ne laissent que peu de place au doute. Et c'est justement l'un des axes visuels du film que l'on retrouve dans cette idée. L'opposition, les deux faces d'une même pièce, à l'instar de ces villes qui s'évertuent à gratter le ciel, alors qu'à leurs pieds se trouvent une vie dense, de petites boutiques trop remplies face à des espaces verts trop grands.

Et bien dans l'histoire on retrouve ce concept. A l'instar du héros qui évoluera pour devenir autre, il est entouré de personnages qui alternent entre leurs différences. Ainsi le personnage de Francis Banane, joué par Philippe Katerine (quel autre chanteur aurait pu y aller ?) est hyperphonique et ne supporte plus le son. Le stagiaire est un héros parce qu'il annonce donner deux euros à un SDF, mais ne voit pas son collègue. Ramzy dont le grand corps dégingandé devient replet, patapoufesque dans ce déguisement animal... Il y en a tant d'autres. Ces oppositions trouveront ou non une conclusion lors du déroulement du film, mais ce n'est pas là l'important.

Il faut voir "Hibou" pour ce qu'il est: une parenthèse enchanté, un délicieux moment estival. Lâchez prise pendant 83 minutes, souriez devant les grands enfants qui ne savent pas toujours réagir face à la vie... Bref prenez un petit moment de bonheur en compagnie d'une grosse peluche.

Marc Flageul