Ava


Ava
Réalisateur :
Léa Mysius
Pays d'origine :
FR
Titre original :
Durée :
1h45
Année :
2017
Date de sortie nationale :
Genre :
CD
Casting :
Noée Abita, Laure Calamy, Juan Cano…
Synopsis :
Ava, 13 ans, est en vacances au bord de l'océan quand elle apprend qu'elle va perdre la vue plus vite que prévu. Sa mère décide de faire comme si de rien n’était pour passer le plus bel été de leur vie. Ava affronte le problème à sa manière. Elle vole un grand chien noir qui appartient à un jeune homme en fuite…
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par Marc Flageul

Ava va devenir aveugle. L'important dans cette phrase n'est pas la condition médicale de la jeune héroïne, car Léa Mysius la réalisatrice a pris le parti de n'en faire qu'un élément de son scénario. L'important c'est l'âge d'Ava. C'est l'élément déclencheur, c'est cette adolescence précoce qui va faire d'Ava une jeune fille sur les nerfs, toujours sur le fil du rasoir. Mais aussi une jeune femme en devenir, qui découvre son corps, sa sexualité, tout en gardant un pied dans le monde de l'enfance.

Cette comédie dramatique se construit sur plusieurs temporalités, d'une part ces vacances, cet été en bord de mer, dont la fin annoncée ne pose pas de problème à une jeune fille qui s'ennuie, du moins tant qu'elle ne tombe pas amoureuse du beau Juan. Ce jeune marginal est l'opposé, le rêve d'Ava, il vit seul, tandis qu'elle ne supporte plus sa mère, il s'oppose à la société et ses règles et semble si sombre, tout de noir vétu, elle qui ne verra bientôt plus rien. Car oui, ce n'est pas elle qui vit le plus mal sa future cécité, elle s'en accommode difficilement, tente de surmonter son handicap putatif. Et c'est là l'autre temps du récit, l'avancée inéluctable vers le noir le plus complet. La jeune fille tente de voir du beau et d'appréhender son corps qui ne sera bientôt plus que sensations physiques et non plus visuelles.

Comme pour souligner l'importance de ses dernières visions la jeune metteur en scène s'appuie énormément sur les couleurs : le jaune de la moutarde, le pot de peinture noire, le sang rouge et l'argile qui tire vers le bleu. On ne peut que penser au "Pierrot le fou" du Godard première période, cet argile dont se recouvre le jeune couple avant de semer la terreur armée, c'est Belmondo qui se peint le visage en bleu. Certaines scènes relèvent même de la citation qu’Anna Karina chantait les lignes de sa main, à son homme ennuyé. Ava danse sur du Amadou et Mariam devant un Juan stoïque.

Cet hommage n'est pas sans intérêt, car on retrouve les mêmes préoccupations chez Léa Mysius : ce couple qui devient refuge face à la société, cette violence en guise de ciment de l'amour. "Ava" a connu son lot de critiques avant même sa sortie, notamment vis-à vis de la nudité de l’adolescente, mais rien n'est fait au hasard, ce corps c'est celui que découvre l'héroïne, celui qu'elle ne verra bientôt plus. "Ava" est un film complexe et beau, une vraie oeuvre.

Marc Flageul