Interdit aux moins de 12 ans
Pour sauver sa ferme de la faillite, une mère de famille célibataire élève des sauterelles comestibles et développe avec elles un étrange lien obsessionnel. Elle doit faire face à l'hostilité des paysans de la région et de ses enfants qui ne la reconnaissent plus.
sorti le 16/06/2021
Intimiste et profondément ancré dans une dure réalité, La Nuée surprend par sa montée très progressive du surnaturel et ses images qui frappent par leur vraisemblance. Mère de deux enfants, Virginie se lance dans l’agriculture de sauterelles après la mort de son mari. Si ses intentions écologiques sont louables, la réalité financière l’empêche de s’en sortir laissant place à l’entrée d’éléments fantastiques au sein de cette triste vérité du sacrifice que représente le changement d’idéologique dans notre régime alimentaire. Les sauterelles ne semblant vouloir pondre et grossir suffisamment, c’est au contact du sang que la situation va enfin s’améliorer et que son petit élevage va pouvoir devenir rentable.
Pourtant, alors que cette mère désespérée s’enfonce progressivement dans une descente aux enfers exponentielle, sa fille aînée s’oppose à elle de toutes les façons, empirant parfois les problèmes mais révélant surtout l’immoralité des actes et sacrifices de sa mère. C’est avec ces personnages colériques qui ne se comprennent pas bien, très justement écrits et interprétés par Suliane Brahim et Marie Narbonne, que la situation précaire de départ s’envenime naturellement.
Premier long métrage de Just Philippot, La Nuée fait partie de ces premiers films neufs et difficilement genrables comme pouvait l’être Grave de Julia Ducournau en 2016. En raison de l’ancrage profond dans la réalité agricole, la décision initiale de la mère de cultiver des sauterelles amène un tas de problèmes pour elle en terme de vente mais aussi pour sa fille qui devient la cible de moqueries et d’harcèlements de la part de ses camarades. Capturé avec de très longues focales nous révélant le moindre détail de ces petits insectes, l’élément, pourtant fantastique du changement de comportement des sauterelles face à ce nouveau régime alimentaire carnivore, paraît totalement plausible.
Les stridulations des sauterelles oppressent de plus en plus à mesure que leur nombre se multiplie, envahissant progressivement non seulement l’espace sonore mais aussi le décor avec le débordement des serres dans le jardin. Jouant de cette barrière entre drame social sur fond écologique et dimension surnaturelle de la nature, le réalisateur se sert du fantastique pour créer des images profondément dérangeantes de ces milliers d’insectes dévorant doucement des corps, et en même temps pour sublimer la beauté de ceux-ci à leur état naturel en filmant la majestueuse nuée contre le ciel bleuté de l’aube.
Gwendal Ollivier