par Karine Baudot
A Charlestown, on a le braquage dans le sang. Et pourtant, Doug rêve d'une autre vie, une vie où son père ne serait pas taulard, où sa mère n'aurait pas pris la fuite et où son meilleur ami ne perdrait pas son sang froid inutilement. Pourtant, Doug n'y parvient pas. Il voudrait s'envoler avec des ailes qui ne poussent pas. En fait, à Charlestown, vous n'avez d'avenir que dans le crime...ou la police. Avec The Town, sa deuxième réalisation (après le brillant Gone Baby Gone) adaptée du roman Prince of Thieves, Ben Affleck nous emmène donc dans le quotidien de ces hommes dont la seule échappatoire est la prison ou la mort. Pour un polar d'une noirceur habile, profondément ancrée dans une réalité déterministe (on est ce que l'on naît). Tel un western des temps modernes, sans la rédemption offerte par le désert brûlant.
Gone Baby Gone avait permis à Ben Affleck de nous impressionner par sa narration intimiste. Ici, l'acteur devenu réalisateur réitère l'exploit en prenant bien soin de se servir des codes du film de braquage sans les trahir. Mais là où The Town frappe fort c'est dans cette faculté à ne jamais trop en faire. Ainsi, il ne tombe ni dans le romantisme exacerbé ni dans l'action tape-à-l'œil, où la bravoure est de mise (chez Ben Affleck, il n'y a pas de héros, surtout par lui). Pour sa descente aux enfers, l'ainé de Casey Affleck a emmené avec lui Jeremy Renner, qui se transforme en véritable bombe à retardement (c'est peu de le dire), Jon Hamm, confirmant qu'il a tout d'un grand (beau clin d'œil sur sa rencontre avec Blake Lively), et Rebecca Hall, effacée mais touchante.
Même s'il relève d'un certain classicisme, The Town est parfois drôle, souvent frissonnant, toujours captivant. Avec Gone Baby Gone, Ben Affleck, de part sa sobriété, avait marqué un essai. Grace à The Town, il le transforme. Comme pour prouver qu'il est bien meilleur assis sur un siège de metteur en scène.
Karine Baudot