par Karine Baudot
Emprunter les chemins de Pagnol après Claude Berri, Yves Robert et bien sûr Marcel en personne, relève du sacré pari cinématographique. Quitte ou double : le réalisateur soumet son cœur à la puissance de l'œuvre, des situations et des personnages pagnolesques, ou le film se noie dans le puits profond des nanars provençaux. Daniel Auteuil évite le piège.
Son interprétation (césarisable si on était dans les temps), ses épaules et nez cabossés par le soleil et les tourments amoureux de sa fille chérie, dominent le film. D'Ugolin, Auteuil n'a repris que l'accent. En père aimant, il puise au fond de nous les émotions, primaires mais chères à Pagnol. Daniel Auteuil le confie : « Une magnifique histoire d'amour, de tendresse, de chagrin et de pardon... » Le tout dans un écrin provençal, composé de platanes qui parsèment des plans chaleureux, de cheveux emportés par le mistral, d'une photo dévoilant les pourtours de visages creusés ou juvéniles, joyeux ou tristes.
Ce puisatier assène ce qu'il a sur le cœur, quitte à blesser, pour mieux pardonner. Au cinéma, on aime ça. La Provence est là, laissant les comédiens interagir. La prestation de Kad Merad en âme gentille s'avère gagnante, preuve que l'acteur maîtrise le registre sérieux et posé. Petit bémol, la prestation d'Astrid Berges-Frisbey ne met pas le feu à la pinède. Mais on s'y habitue, car ce n'est pas la Provence de Jean de Florette, celle des coups bas, des orages moqueurs, de la sécheresse des champs et de certaines âmes. C'est celle des ruisseaux, sur lesquels flottent les amours, celle qu'on préfère. La Fille du Puisatier porte le même ADN que les réussites d'Yves Robert, La Gloire de mon père et Le Château de ma mère: simple, beau, chaud, ça coule comme l'eau des collines, c'est Pagnol.
Karine Baudot