Titane

Après son premier et excellent long métrage, Grave, sorti en 2016, Julia Ducournau était attendue au tournant à Cannes et auprès de toute la communauté adepte de cinéma de genre. Vous aviez aimé la violence animale sublimée tantôt par de la musique pop anempathique, tantôt par les compositions profondément dérangeantes de Jim Williams, Titane reprend tous ces ingrédients en poussant les curseurs à leur paroxysme. Femmes enceintes et futures mamans, il serait fortement recommandé de passer votre chemin.

Alexia est une jeune femme vivant avec un implant en titane dans la tête suite à un accident de voiture remontant à son enfance. En fuite après une série de crimes, elle est recueillie par Vincent, père encore en deuil de son fils, disparu mystérieusement dix ans plus tôt et qu’il est persuadé de retrouver en elle. Un résumé dont les mots échouent à retranscrire la puissance avec laquelle l’image et le son nous touchent viscéralement. Au travers d’une violence crue qui prend son temps pour conserver du réalisme et retourner l’estomac du spectateur, se dégage pourtant deux histoires, véritablement dramatiques, s’entremêlant d’une manière incongrue, à la fois naturelle et troublante.

La photographie magistrale et les lumières esthétisées sont pleinement mises au service d’une construction révulsante des corps. D’un côté, celui d’Alexia, femme enceinte contrainte de se travestir en comprimant ses formes et le fœtus non désiré qui l’habite ; de l’autre, celui de Vincent, vieux pompier qui se pique pour essayer de retrouver sa forme d’antan et palier la fragilité liée à l’âge et au désespoir. Une femme, un homme, deux personnages chargés de lourds traumatismes qui vont finalement tisser un lien insolite, parfaitement maîtrisé par la réalisatrice jusqu’à la séquence finale, résolvant leurs parcours psychologiques avec une ambiguïté et une esthétisation brillante de l’ambivalence entre violence et espoir que représente finalement le titane.

Gwendal Ollivier