Un homme condamné trop jeune par la maladie. La souffrance d'une mère face à l'inacceptable. Le dévouement d'un médecin (le docteur SARA dans son propre rôle) et d'une infirmière pour les accompagner sur l'impossible chemin. Une année, quatre saisons, pour « danser » avec la maladie, l'apprivoiser, et comprendre ce que ça signifie : mourir de son vivant.
sorti le 24/11/2021
« Si la mort est là, c’est que je ne suis plus là, il m’est donc impossible de la rencontrer. » Malgré la déconstruction rationnelle d’Epicure quant à la peur de la mort présentée comme une idée vaine faisant simplement obstacle à notre bonheur, la mort est et demeure un sujet qui fascine autant qu’il effraie l’humain depuis la prise de conscience de sa propre mortalité. En effet, comment accepter de retourner à un état de non-existence, abandonner tous ceux qu’on a aimés pour soudain quitter ce monde et ne plus être ? Abordée par de nombreux artistes sous différents angles, médiums et histoires cette question implique toujours la même construction tragique plaçant la mort au terme du récit.
Atteint d’un cancer du pancréas assurément jugé incurable, Benjamin apprend qu’il lui reste entre six et douze mois à vivre. Jeune professeur de théâtre animé par le partage de sa passion pour le jeu, c’est un grand sentiment d’inaccomplissement qui l’accable alors qu’il dresse le bilan de sa vie. Submergé par les rendez-vous à l’hôpital en compagnie de sa mère, ses cours résonnent irrévocablement avec sa propre situation alors que ses élèves lui livrent leurs performances personnelles sur le thème de l’adieu. À l’image de ces jeunes comédiens prometteurs, les acteurs incarnent leur personnage avec puissance, tout particulièrement Magimel qui, respectant les conseils du professeur qu’il interprète, est dans la retenue des sentiments mais les vit pourtant bien profondément.
Derrière la caméra, Emmanuelle Bercot, manie habilement ce dur sujet tant par son écriture très juste, que par sa mise en scène, sobre et efficace qui se permet une seule véritable digression lors d’un plan séquence lent quittant la chambre pour suivre la mère avant d’effectuer un mouvement rotatif sur l’activité calme de l’hôpital puis de revenir sur elle, sortant des toilettes et prenant conscience, en même temps que le spectateur, de ce qu’elle vient de manquer durant ces quelques secondes. Les éclairages chaleureux de la salle de théâtre, pleine de la vie des futurs comédiens, contrastent avec la froideur des couleurs bleutées propres à l’hôpital, tintant le film d’une photographie sombre dénuée d’espoir. Ponctué par les saisons, l’état de Benjamin se dégrade autant sur le plan physique que moral alors que la mort se rapproche inévitablement. « Pardonne-moi », « je te pardonne », « merci », « au revoir », « je t’aime », sont les cinq choses qu’il lui reste à dire de son vivant.
Gwendal Ollivier