sorti le 30/03/2022
Jouant indéniablement dans la cour des grands réalisateurs contemporains, Cédric Klapisch optimise l’arrêt des activités culturelles lié à la crise sanitaire pour entreprendre un projet de longue date. Ne se contentant pas de filmer des têtes d’affiches confinées chez elles derrière leur webcam, il se sert au contraire de la fermeture pure et simple des salles de spectacle pour recruter des danseurs et tourner dans ces lieux interdits au public par ordre du gouvernement. Résultat : un film énergique et très humain, autant dans ses moments comiques qu’émotionnels, fidèle au reste de la filmographie du réalisateur et peut-être même parmi ses meilleurs.
Première danseuse du ballet de l’Opéra de Paris, Marion Barbeau porte le métrage sur ses fines épaules de danseuse, démontrant une fois de plus le talent de Klapisch pour dénicher et diriger des jeunes n’ayant jamais joué auparavant. Principalement composé de véritables danseuses et danseurs, le reste du casting s’en sort très bien dans les passages d’acting et à merveille dans ceux de danse. Personnage principal de ses deux derniers films (Ce qui nous lie et Deux moi), François Civil revient ici dans le rôle secondaire d’un jeune kiné, un peu lourd et maladroit, dénotant complètement avec les habitudes de jeu du comédien mais qui semble pourtant prendre beaucoup de plaisir à revenir devant la caméra du réalisateur.
L’ouverture classique sur un ballet, est aussitôt chamboulée par le générique, passant de plans sobres et gracieux à une esthétique radicale, jouant sur des déformations d’images et des couleurs vives, ainsi qu’en délaissant la musique classique pour la composition originale, rock et explosive, de Hofesh Shechter, metteur en scène jouant son propre rôle dans la seconde moitié du métrage. Reprenant le schéma de scénario d’un protagoniste se voyant ôter ce qu’il prenait pour acquis afin d’en apprendre la valeur réelle par sa reconquête humble et héroïque, le réalisateur parvient à rendre son histoire parfaitement palpable, non seulement grâce à sa direction d’acteurs mais aussi par son écriture très juste, ponctuée de détails charmants comme la conversation téléphonique de deux amies sur deux terrasses parisiennes se faisant face, ou les disputes très actuelles du couple formé par Pio Marmaï et Souheila Yacoub aboutissant toujours au même plan sur le van rouge.
Placées au cœur du développement personnel de l’héroïne, ses relations, d’une part familiales (son père ne se rendant pas compte de la froideur dont il fait preuve à son égard et ses sœurs s’y étant simplement résignées), et d’autre part romantiques (entre sa rupture, son kiné et les nouveaux danseurs qu’elle rencontre), forment autant de sous-intrigues contribuant complètement à sa quête identitaire et à son épanouissement personnel. Usant d’une mise en scène tout aussi mesurée que sa photographie afin de servir pleinement son propos et l’immersion du spectateur, Klapisch nous fait vivre les doutes, les angoisses et les joies de sa protagoniste qui, malgré toutes les douleurs physiques et sentimentales, continue d’y croire, encore.
Gwendal Ollivier