sorti le 04/05/2022
Après la sublime patte visuelle de Chloé Zhao dans Eternals, Kevin Feige (patron de Marvel Studio) embauche un nouveau metteur en scène de renom. Réalisateur d’Evil Dead et de la première trilogie Spider-Man, Sam Raimi appose indéniablement son empreinte sur cette superproduction. Entre les plans débullés tournant autour des personnages pour créer un malaise, les raccords de formes entre différents espaces lorsque les personnages traversent les réalités, la caméra qui se faufile dans des endroits sinueux avant de tourner sur elle-même ou qui bondit soudain jusqu’au noir de l’œil d’un personnage, ainsi que les différents effets de distorsions et de superposition d’images frôlant le kitch, le réalisateur ne se laisse pas écraser par la machine du studio. Profitant d’une nouvelle collaboration avec Danny Elfman à la musique, Sam Raimi parvient à créer de véritables moments horrifiques soulignés par la bande originale toute en tension, entre une imagerie monstrueuse de morts vivants et des jump-scares bien amenés.
[Spoilers]
Ainsi, alors que Wanda ne subissait aucune conséquence suite à sa prise d’otage mentale de l’ensemble d’une ville dans WandaVision, ce film la présente enfin comme la Scarlett Witch, une héroïne à la moralité ambiguë et aux pouvoirs dépassant probablement tous ceux des autres Avengers. L’imagerie horrifique d’une Wanda, déshumanisée par le massacre des Illumaniti, construit une véritable montée en tension lors de la traque d’America Chavez, par cette sorcière au visage couvert de sang et qui semble totalement inarrêtable. Jouant avec les codes de l’horreur, Raimi utilise le rêve-passerelle pour faire s’affronter une version zombie de Dr Strange qui se trouve être le gentil face à une Wanda à l’apogée de sa puissance. Malgré leur mort dans la réalité de ce film, l’équipe des Illuminati apporte une petite dose de fan-service (bien plus modérée que dans le dernier Spider-Man) en réalisant le fantasme d’un Mr Fantastic incarné par John Krasinski et en rappelant que, la Fox ayant été rachetée par Disney, les X-Men ne vont plus tarder à rejoindre le MCU. De plus, la présence du Professeur X (incarné par l'éternel Patrick Stewart) donne lieu à un affrontement mental magnifiquement mis en scène, renforçant la puissance et donc la menace que représente Scarlett Witch.
Alors que dans le climax du premier opus, Stephen Strange utilisait une boucle temporelle infinie pour vaincre une entité cosmique dépassant de loin ses pouvoirs de simple mortel (donnant lieu à une résolution à la fois drôle et intelligente), celui-ci à l’originalité de faire successivement s’affronter les deux héros contre des variants d’eux-mêmes. L’alliance de Raimi et Elfman se fait brillamment sentir dans le combat des deux Dr Strange à coup de notes de musique arrachées d’une partition pour se matérialiser en projectile musical tandis que la confrontation de Scarlett Witch face à la Wanda dont elle cherche à prendre la place supplante émotionnellement n’importe quel combat physique. De même si Strange comprend qu’il aimera Catherine dans tous les univers, son utilisation inévitable du Darkhold n’est pas laissée sans conséquence avec l’apparition d’un troisième œil venant nuancer sa réussite finale.
[Fin des Spoilers]
Exemple même de l’utilité de placer des auteurs à la tête de projet de cette envergure plutôt que des yes-man comme Jon Watts (réalisateur des derniers Spider-Man “Home”), Sam Raimi sublime ce scénario de simple épisode de la grande série cinématographique du MCU en réalisant un film original par son audace visuelle, ses mélanges de genre provoquant des émotions peu communes dans ce type de production, tout en assumant de réelles conséquences quant aux personnages principaux de Wanda et de Dr Strange sur la suite de leurs aventures au sein de cette nouvelle ère, centrée sur le multivers.
Gwendal Ollivier