sorti le 15/06/2022
Présenté en avant-première à Cannes, le nouveau métrage de Quentin Dupieux débarque dans nos salles un an et un mois après son précédent, Mandibules. Reniant assez ouvertement l’intellectualisation à outrance de ses films, le réalisateur français nous livre pourtant avec ce dernier, une réflexion sur le passage du temps. Par le biais de ces trois personnages principaux, il nous présente trois appréciations différentes du temps, de la façon dont les gens s’en saisissent, le poursuivent, n’en retiennent aucune leçon ou apprécient simplement son lent passage. Toujours bref, le réalisateur ne « prend pas son spectateur en otage » plus que de nécessaire et explore sa thématique en son habituelle durée d’une heure et quart.
Reconnaissable dans chacun de ses plans par cet étalonnage très peu contrasté, Dupieux colore son image assez plate par ses décors captés dans des plans aux bords étrangement floutés. Seule sur plusieurs séquences, la musique, évidemment synthétique, reprend le répertoire classique de Bach afin d'accompagner la tournure fataliste qu'opère le métrage en montrant les trajectoires éclatées de ses trois personnages sur un plus long laps de temps. Ainsi c’est la première fois que le réalisateur tire véritablement un discours plutôt sérieux et acerbe sur la thématique explorée par le concept auquel ses personnages sont confrontés. Alain (Chabat) passif dans son travail et dans sa vie en général laisse le temps couler sans chercher à obtenir quoi que ce soit de plus qu'il n'a déjà. Marie (Léa Drucker) prend au contraire les décisions du couple et voit dans les marques que le temps laisse sur son corps la pire des fatalités. Enfin, Gérard (Benoît Magimel) se contente quant à lui de répéter indéniablement les mêmes erreurs, patron de sa vie mais esclave de son envie éternelle du même type de relations de « jeunesse ».
Bien connus du grand public, les acteurs sont emmenés dans des rôles à l’opposé de ceux qui leur collent à la peau en particulier pour le couple formé par une Anaïs Demoustier nymphomane décérébrée et un Benoît Magimel beauf dont la préoccupation principale constitue la première révélation purement comique du métrage contrastant avec la seconde, concept qui permet de tisser la thématique plus tragique. Habilement gardées secrètes dans les intrigantes bandes annonces, ces révélations forment le moteur dramatique de toute la première partie du film en jouant sur l'envie de savoir des personnages et des spectateurs. Par des dialogues réalistes presque énervants, Dupieux construit notre désir de savoir ce que les personnages nous vendent comme incroyable mais vrai.
Gwendal Ollivier