sorti le 02/11/2022
Troisième réalisateur à traiter des attentats de Paris depuis la rentrée de septembre, Killian Riedhof y apporte un autre regard, moins singulier. Si Alice Winocour se concentrait sur la gestion personnelle du traumatisme d’une femme ayant échappé de justesse à une attaque à la mitraillette dans Revoir Paris, et si Cédric Jimenez s’intéressait plutôt à retranscrire le travail méthodique et le sang-froid dont la police avait dû faire preuve dans les cinq jours intenses de traque de Novembre, Killian Riedhof adopte le point de vue d’un jeune père contraint de faire face à la perte de sa femme, assassinée au bataclan.
Tirée de la véritable histoire du journaliste Antoine Leirie, le point de vue distant d’un réalisateur allemand sur cette histoire bien française avait convaincu l’auteur pour l’adaptation de son roman éponyme. Sans tomber dans le larmoyant gratuit, le film ne parvient toutefois pas à trouver le juste rythme entre le deuil, une critique médiatique trop peu assumée, et l’ajout artificiel de conflits familiaux sans réelle pertinence. Là où Jimenez et Winocour maîtrisaient leur sujet avec brio, Riedhof semble manquer quelque chose. Réalisant un simple drame, il ne parvient pas à soulever la portée du poids toujours massif laissé par les attentats de Paris.
En terme de mise en scène, de nombreux plans serrés avec des changements de point (zone de netteté dans l’image) retranscrivent littéralement les pensées floues et la confusion du protagoniste en début de métrage. Ne le quittant pas une seconde, la caméra gravite autour de lui, dévoilant son processus singulier de deuil, d’abord dans le silence, puis dans les médias et enfin dans l’intimité avec son fils. Malheureusement, le réalisateur passe complètement à côté de la dimension politique de son histoire. Alors que le biopic sur Simone Veil sorti en octobre s’achevait sur un rappel juste et glaçant du danger de la montée de l’extrême droite et des régimes fascistes, Killian Riedhof ne s’intéresse pas suffisamment au racisme et aux amalgames qui conduisent certains à céder à la peur des terroristes ; sujet qui devrait pourtant être essentiel dans une histoire née de la phrase «vous n’aurez pas ma haine».
Gwendal Ollivier