sorti le 28/09/2022
Bien souvent confondue avec le dédoublement de personnalité, la schizophrénie est en fait un sujet très peu abordé au cinéma. Avec un réalisme maitrisé, Brieuc Carnaille nous plonge dans le quotidien de Basile après sa sortie d’hôpital psychiatrique. Tout aussi juste, l’acteur principal, Clément Roussier nous immerge pleinement dans son personnage par un jeu subtil aussi bien dans les moments de retenue que ceux d’explosion de joie ou de colère. L’alliance de ces deux talents est parfaitement capturée par la très belle séquence de course dansée, filmée en un seul travelling latéral, qui rappelle une certaine séquence de Mauvais Sang (Léos Carax, 1986).
Dès son ouverture, le réalisateur nous présente la paranoïa de Basile par une discussion animée dans laquelle tout semble ligué contre lui et il en est le seul au courant. Mais l’intervention de sa sœur (incarnée par Marine Vacth) permet d’établir d’entrée le rapport qu’ils entretiennent. Si celle-ci cherche à faire au mieux pour son frère, on comprend très vite qu’elle l’infantilise quelque peu, en particulier lorsqu’il commence à s’éloigner d’elle. Ne quittant jamais le point de vue de Basile, le réalisateur oblige le spectateur à se détacher de sa propre logique pour essayer de comprendre celle de son personnage.
Cet effort passe aussi bien par des détails des effets secondaires du traitement (comme ses tremblements de main discrets ou sa baisse de libido) que par la mise en scène très esthétique de son hallucination principale ; dans le ciel bleu de la journée sur lequel se découpe les cheminées en briques rouges de Roubaix, une nuit noire étoilée vient recouvrir progressivement la ville. Sans tomber dans le mélodrame, Brieuc Carnaille livre un premier long métrage juste et touchant sur l’histoire d’un personnage atypique, un roitelet, ce petit oiseau au crâne tâché de jaune qui, perché sur la tête d’un aigle, voit le soleil de trop près.
Gwendal Ollivier