Du Louvre au Palais de Buckingham, des bas-fonds de Paris au siège de La Rochelle… dans un Royaume divisé par les guerres de religion et menacé d'invasion par l'Angleterre, une poignée d'hommes et de femmes vont croiser leurs épées et lier leur destin à celui de la France.
sorti le 05/04/2023
Avec deux fois moins d’argent que l’Astérix de Canet, Martin Bourboulon nous livre un film bien plus ambitieux. Réalisateur de Papa ou Maman et de sa suite, c’est certainement son précédent métrage, Eiffel, qui lui a permis de prendre la tête d’un tel projet de diptyque. Très américain dans sa construction, ce type d’histoire est rare en France, on pense au diptyque Mesrine d’il y a quinze ans déjà ou à l’excellent classique Jean de Florette et Manon des Sources. Mais malgré un casting cinq étoiles et une œuvre littéraire incontestablement reconnue, le film est-il à la hauteur des attentes ?
Côté casting, impossible de résister au jeu toujours aussi charmeur de François Civil. Campant un D’Artagnan fougueux, sa relation avec Constance, incarnée par la grandissante Lyna Khoudri, donne lieu à des scènes légères, peut-être trop niaises mais qui créent inévitablement un attachement fort pour ces deux personnages. En revanche, les personnages éponymes incarnés par les plus grandes têtes d’affiches du cinéma d’auteur français manquent de développement. Si Vincent Cassel bénéficie de suffisamment de temps d’écran pour explorer la profondeur d’Athos par des instants de pause réflective sur sa propre vie, Romain Durris n’a que son physique provocateur pour caractériser Aramis, tandis que le Porthos de Pio Marmaï n’a rien de plus que sa bisexualité pour se distinguer de son compère. Difficile donc de comprendre le lien qui uni ces trois hommes et les facilités scénaristiques qui amènent D’Artagnan à les rencontrer n’aident pas à l’immersion et à l’attachement au trio.
Alors que la caméra sur grue de Eiffel donnait la sensation constante d’un mouvement fluide, le principal défaut de ce film réside dans ses scènes d’action. Filmée en caméra épaule et pour la plupart en plan séquence, l’échelle de plan trop proche des personnages et les secousses humaines du cadreur rendent l’intégralité des scènes d’action illisible et périlleuse à suivre. Juste après John Wick 4, qui savait parfaitement mettre en valeur le travail de ses cascadeurs, la mise en scène de l’action fait clairement défaut à Bourboulon. Tout le travail préparatif à l’exécution de cascades à cheval, de combats d’épée, de tir à la volée et de dizaines de figurants qui se battent autour des personnages principaux est entaché par cette façon hasardeuse de capter l’action.
De plus, l’étalonnage terne oscillant entre du beige pâle, du marron bouché, de l’orange pas assez vif pour du feu, et du bleu grisâtre peinant à donner l’illusion de la nuit, n’aide pas à la compréhension des combats. Ressemblant à un simple filtre sépia, ces couleurs gâchent la grandeur et la diversité des décors ainsi que la beauté des costumes dont les détails se retrouvent noyés dans l’obscurité de l’image et empêchent donc de distinguer les personnages tous de marron vêtus. Cette uniformité du spectre de couleurs très limité se ressent d’autant plus dans une scène de bal particulièrement impressionnante dans sa profusion de costumes mais qui n’est malheureusement pas mise en valeur par cet étalonnage sépia.
Mais malgré cette patte visuelle trop redondante, une aura imposante se dégage tout de même de cette nouvelle adaptation du roman de Dumas. Si Bourboulon ne fait pas les meilleurs choix pour filmer l’action, il compose néanmoins très bien ses plans fixes et réussi à iconiser en seulement quelques scènes l’ensemble des représentants de la Cour. Entouré de sujets et d’ennemis manipulateurs, Louis Garrel incarne parfaitement l’attitude paradoxale du Roi Louis XIII qui, dépassé par les évènements, use de son autorité de manière infantile pour n’en laisser rien paraître. La présence de l’actrice allemande Vicky Krieps en reine attachante dans son infidélité, et celle d’Eva Green dans le rôle de Milady, femme de l’ombre manipulatrice qui lui colle une fois de plus très bien à la peau, montrent l’envie d’exporter ce film français à l’internationale. Prévue pour décembre 2023, la deuxième partie de ce diptyque saura peut-être corriger les défauts esthétiques du premier opus pour mieux lier action et politique en se concentrant davantage, comme son nom l’indique, sur Milady et en s’éloignant de D’Artagnan et des Trois Mousquetaires.
Gwendal Ollivier