sorti le 12/04/2023
Comme sa promotion fondée sur les réactions de spectateurs en sortie de séance le laissait présager, le deuxième long métrage d’Alexis Michalik est profondément touchant. De la joie à la tristesse, du sentiment d’injustice à l’allégresse de l’amour naissant, l’auteur capture avec brio tout ce qui nous anime et nous déchire. Avec ses quatre personnages principaux, il part d’archétypes rapidement identifiables et les confronte aux pires évènements d’une vie. La mère, sa copine, son frère, sa fille, tous gagnent en profondeur à mesure que l’histoire avance. Ainsi, en à peine une heure et demie, Alexis Michalik nous fait voyager sur plusieurs décennies avec une énergie de montage qui sublime les émotions.
Son premier film Edmond était déjà une adaptation surprenante de sa propre pièce de théâtre, drôle et maîtrisée. Ce deuxième film confirme les questionnements réels de l’auteur sur la différence entre les deux médiums au moment de transposer ses pièces sur grand écran, et cela se ressent dans sa mise en scène. Loin d’être avare en mouvement de caméra, le réalisateur joue cette fois énormément avec le découpage et le montage pour faire ressentir en quelques plans le passage du temps. Dans une première partie ce sont les images méticuleusement composées des instants clés d’une relation qui permettent de marquer ce passage du temps sur une relation amoureuse puis dans une seconde partie, une ellipse de douze ans est habilement résumée par les images qui ont marquées l’actualité de la France.
Le choix d’acteurs peu connus renforce l’identification à ces personnages très humains qui semblent alors d’autant plus ordinaires. Mais ce sont surtout la performance du réalisateur lui-même dans le rôle de William et celle de la jeune Léontine D’oncieu de La Batie dans celui de sa nièce Jeanne qui ressortent. L’un comme l’autre parviennent à faire ressentir les douleurs profondes qui les déchirent cachées sous des masques fragiles. William se sert du sarcasme, de l’humour et de l’alcool pour contourner ses problèmes, sa tristesse et son déni, tandis que Jeanne se réfugie plutôt dans les livres, le savoir, la réflexion et l’écriture pour palier à ses propres douleurs déjà démesurées pour son jeune âge. En plus des nombreuses ellipses qui appuient cruellement le passage du temps et l’évolution de ses personnages, le réalisateur se concentre un à un sur des duos de protagonistes afin d’explorer pleinement les liens puissants mais délicats qui les unissent. Ce découpage net du récit est adouci par la mise en scène, le montage unissant les évènements avec brio pour former solidement plus d’une histoire d’amour.
Gwendal Ollivier