En 1942, convaincus que l’Allemagne nazie est en train de développer une arme nucléaire, les États-Unis initient, dans le plus grand secret, le "Projet Manhattan" destiné à mettre au point la première bombe atomique de l’histoire. Pour piloter ce dispositif, le gouvernement engage J. Robert Oppenheimer, brillant physicien, qui sera bientôt surnommé "le père de la bombe atomique". C’est dans le laboratoire ultra-secret de Los Alamos, au cœur du désert du Nouveau-Mexique, que le scientifique et son équipe mettent au point une arme révolutionnaire dont les conséquences, vertigineuses, continuent de peser sur le monde actuel…
sorti le 19/07/2023
Devenu le véritable phénomène des dernières semaines, Barbenheimer se dévoile enfin ! Deux films, deux studios, deux castings hauts en couleur, deux cinéastes contemporains, le duel d'audience va être rude entre Warner et Universal et pourtant les deux films n'ont rien à voir. Loin de la comédie satirique, peu subtile mais drôlement efficace de Greta Gerwig, Christopher Nolan revient en salle avec le premier biopic de sa carrière. Centré sur le père de la bombe atomique, ce douzième long métrage se divise en trois lignes temporelles imbriquées à l'image du logo de production de Nolan.
Comme affiches et bandes annonces le laissaient présager, les deux premiers tiers du métrage se concentrent sur la constitution de l'équipe et les recherches scientifiques derrières la bombe A, puis sur son premier test à Los Alamos. Préparé par les bribes de séquences se déroulant dans le futur de cette narration linéaire, le dernier tier du métrage se focalise quant à lui sur le maccarthisme et les retombées des fréquentations du protagoniste. Passant de la Seconde Guerre mondiale à la Guerre Froide, l'ennemi des États-Unis se déplace et les raisons de la création d'une arme de destruction massive deviennent de plus en plus questionnables.
Brillant par sa mise en scène, Nolan incorpore des gros plans sur de la matière en cours de changement d'état, des ondes et des explosions d'énergie pour représenter le chaos ordonné des pensées de son personnages principal mais aussi pour illustrer ses explications d'une manière très sensorielle. Après les voyages dépaysants menant à la formation de l'équipe, la montée en puissance de la seconde partie est remarquable. Réputé pour ses scènes d'action filmées avec le plus d'effets pratiques et respectant au maximum les règles de la physique, Nolan travaille aussi minutieusement sa partition sonore ; des bruits assourdissants d'acclamations de la foule face à la lourde victoire de son protagoniste, au simple décalage son/image entre le spectacle visuel éblouissant de l'explosion test et les répercussions de l'onde sonore puissante.
Plus inattendue, la troisième partie arrive après ce climax visuel du film et cherche à construire un deuxième climax uniquement basé sur l'intrigue. Malheureusement depuis Dunkerque, le réalisateur n'est plus épaulé par son frère Jonathan Nolan qui insufflait en grande partie l'humanité aux personnages. Ainsi, les retournements de ce troisième acte nous affectent peu car l'attachement n'a pas été construit proprement, en faveur d'une accumulation factuelle essoufflante. La focalisation sur le point de vue du personnage éponyme parvient tout de même à nous faire ressentir sa détresse face à l'interrogatoire et le poids de sa culpabilité face aux répercussions directs de sa création. Enfin au premier plan d'un blockbuster, Cillian Murphy interprète avec élégance ce scientifique brillant contraint de jouer au politique. Face à lui, Lewis Strauss (incarné par un Robert Downey Jr. maquillé avec soin) apporte un second point de vue filmé en noir et blanc et plutôt centré sur une vengeance judicaire que sur le développement de la bombe A.
Si Nolan a indéniablement prouvé par le passé sa maîtrise des scènes d'action, on peut lui trouver quelques faiblesses dans sa manière de filmer les dialogues. Enchaînant des champ-contrechamps nerveux, les cuts rapides sont suspendus à la moindre réplique sans changement de cadrage, rapprochement ou éloignement de la caméra. Un étrange effet de saute ressort de ces discussions, comme si les personnages s'empressaient de parler car la musique, elle, ne s'arrête pas.
Complètement omniprésente, la bande originale de Ludwig Göransson nous immerge dans une vibration constante décuplant chaque montée en tension de l'action ou des dialogues. Déjà à l'ouvre à la composition sur Tenet, Göransson livre un travail très différent de celui de Hans Zimmer, compositeur de la moitié de la filmographie de Nolan, de la trilogie Dark Knight jusqu'à Dunkerque. Comme lors de leur précédente collaboration, peu de thèmes se dégagent de la musique qui rythme le métrage. Des basses profondes, un tempo régulier, des synthés, un orchestre grimpant et un violon aux envolées dramatiques ; le visionnage en Dolby Atmos prend tout son sens. Incapable de respirer pendant une grande partie du métrage tant la musique occupe une place importante dans le mixage, les instants de silence ressortent pour laisser briller l'image. Dans le silence admiratif de l'explosion, dans le vacarme mental de la culpabilité, l'invention la plus puissante de l'humanité échappe à son créateur, Robert Oppenheimer.
Gwendal Ollivier