Jeanne Vaubernier, fille du peuple avide de s’élever socialement, met à profit ses charmes pour sortir de sa condition. Son amant le comte Du Barry, qui s’enrichit largement grâce aux galanteries lucratives de Jeanne, souhaite la présenter au Roi. Il organise la rencontre via l’entremise de l’influent duc de Richelieu. Celle-ci dépasse ses attentes : entre Louis XV et Jeanne, c’est le coup de foudre… Avec la courtisane, le Roi retrouve le goût de vivre – à tel point qu’il ne peut plus se passer d’elle et décide d’en faire sa favorite officielle. Scandale : personne ne veut d’une fille des rues à la Cour.
sorti le 17/05/2023
S’intéressant à la dernière favorite de Louis XV, Maïwenn se faufile entre les branches bien connues de l’Histoire de France pour se pencher sur une romance qui a scandalisé la cour à l’époque où le Dauphin n’était encore qu’un enfant. Après ADN, la réalisatrice grimpe en ambition avec ce long métrage qui prend place dans les décors majestueux de Versailles, mais n’oublie jamais de rester focalisé sur le drame romantique de deux amants face au reste du monde.
Si la mise en scène de Maïwenn est élégante, son rôle en tant qu’actrice est en revanche plus facile. Fille du bas de l’échelle sociale, elle trouve sa place dans un monde où la séduction est sa meilleure arme pour se hisser au sommet et l’y maintenir. Il semble de prime abord étrange que Maïwenn ait retenu l’attention non seulement d’un comte mais surtout celle d’un Roi bien qu’elle ne soit pas plus belle que les autres. Toutefois, ce postulat est rapidement dépassé par l’attitude provocatrice de la favorite du Roi, ses entorses aux règles et sa façon de se vêtir et se coiffer. De plus l’alchimie entre les deux acteurs fonctionne indéniablement et nous immerge dans cette romance bien particulière.
En plus de jouer, la réalisatrice dirige avec brio ses comédiens. Des sœurs insupportables au Dauphin conciliateur et au duc malicieux campé par Pierre Richard, tous les rôles secondaires choisissent un camp. Comme à son habitude, Benjamin Lavernhe est très juste. Valet de chambre du Roi, il manie parfaitement les différentes couches de jeu, de ce qu’il montre face à la cour aux émotions qui se cachent sous ce masque. L’interprétation de Johnny Depp est quant à elle délicieuse. Avare en dialogue, son léger accent apporte une aura surprenante à son personnage, détachant le Roi du reste de sa cour. Toute sa prestance se canalise dans une scène où il rentre dans une pièce et s’arrête successivement devant ses filles, devant Marie-Antoinette, puis devant son traducteur, avant de simplement repartir. Sans même avoir prononcé le moindre mot, tous ses reproches et ses menaces sont passés, le Roi a exprimé son mécontentement et les choses vont devoir changer.
En termes de mise en scène, la photographie pâle mais colorée suit un académisme à l’américaine. La composition de cadre très symétrique convoque des œuvres picturales de l’époque tandis que les lents mouvements de caméra sont aussi doux que la lumière. Sans utiliser de renfort dans les scènes extérieures, les scènes intérieures sont éclairées uniquement à la bougie. Cette démarche n’est pas sans rappeler un certain Barry Lindon, inspiration revendiquée par la réalisatrice, et donne un cachet visuel au film. Les reprises musicales de Sarabande de Haendel rappellent aussi le film de Stanley Kubrick et nous plongent dans l’ambiance de la cour royale. Amour, haine, autorité et jeux de pouvoir, toute cette histoire repose finalement sur des sentiments qui définissent le destin et la tournure que prendra la vie de Jeanne du Barry.
Gwendal Ollivier