sorti le 19/04/2023
Benoît Volnais et Alice Zeniter, écrivaine récompensée à mainte reprise, réalisent ensemble leur premier film.
Sur le fond, le duo de réalisateurs dresse un tableau ambigu de la gauche en voie de disparition depuis le mandat de Hollande. Excluant les partis substitutifs qui utilisent la menace du Rassemblement National pour gagner l'électorat de gauche sceptique, les réalisateurs s'intéressent sérieusement à deux cas. D'une part, ceux qui s’excluent de la politique dans sa forme démocratique pour l'appliquer dans leur quotidien (vivre en autarcie, cultiver sa propre nourriture, etc.), dans le but de mieux se préparer à l’effondrement à venir. D’autre part, ceux qui se battent avec les outils de la démocratie pour révolutionner la façon de gouverner la France et le monde. Malgré leur pertinence, ces discours complexes ne dépassent pas leur statut de monologue dans sa forme la plus artificielle. Les deux scénaristes s’expriment ainsi au travers de leurs personnages comme s’ils avaient oublié qu'ils écrivaient un film et non une conférence universitaire.
Sur la forme, le métrage adopte dans un premier temps le parti pris radical d'un étalonnage saturé avec des lumières hautes surexposées. Si cette décision est esthétiquement discutable, elle permet toutefois de rendre la sensation de chaleur, très bien soulignée par le suintement constant des corps. Pourtant, les réalisateurs ne s'y tiennent pas et abandonnent progressivement cette radicalité pour emmener leur image vers une colorimétrie plus ordinaire. On pourrait interpréter ce choix comme la mise en scène de la différence de température entre Paris et la campagne bretonne de la deuxième moitié du film mais cela s’apparente surtout à un manque de cohérence d’ensemble qui rend le métrage visuellement bancal.
Autant par les gestes que par le ton, le surjeu des acteurs n'aide pas à s’identifier aux personnages. Très théâtrale, la direction d'acteur se confronte à une histoire ancrée dans le réel avec l’évocation du nom du Président ainsi que de plusieurs partis politiques. Dénués d’abréviations orales et surchargés d’un vocabulaire trop riche, les dialogues sonnent comme des lignes de discours bien trop lettrées pour sortir spontanément de la bouche de quiconque. Les réalisateurs dépeignent ainsi des personnages irréalistes dans des cadres réalistes et le mélange ne prend pas. Ponctué d’une voix-off explicative et de chapitres aux titres décousus (deux procédés encore une fois plus littéraires que cinématographiques), le récit nous perd au tournant du troisième chapitre, à seulement la moitié du métrage. Au détour d’une scène musicale envoûtante complètement gâchée par la durée de son dernier plan qui s’éternise avec le bruit du vent en fond pour nous faire patienter, ce long métrage nous rappelle qu’il ne sera pas le dernier film d’auteur laborieux que nous verrons avant l’effondrement.
Gwendal Ollivier