sorti le 24/05/2023
Adaptation du roman d'Éric Reinhardt, le nouveau métrage de Valérie Donzelli nous enferme dans la condition de sa personnage principale. Alors qu’elle rencontre son avocate, Blanche lui relate la dégradation de sa relation toxique avec son mari. N’abusant pas de la voix explicative de sa narratrice, la réalisatrice laisse les acteurs s’exprimer par les silences et les cris pour livrer de terribles sentiments. Bien qu'ils n'aient plus rien à prouver, Virginie Efira et Melvil Poupaud excellent dans leur rôle, l'une par la subtilité des émotions conflictuelles qui l'habitent, l'autre dans la possessivité violente qui l'anime. Si on peut reprocher à la réalisatrice de grossir le trait dans l’exposition, on ne peut lui retirer l’efficacité avec laquelle elle construit sa descente aux enfers qui nous enferme progressivement dans les peurs de Blanche.
Dénonçant les comportements arriérés du pervers narcissique, la réalisatrice situe son histoire dans un contexte actuel mais la met en scène à la manière d’un vieux film. Sa caméra 16mm apporte un grain baveux à l’image tandis que le ratio de cadre 1,66:1 associé à ce type de pellicule enferme les personnages entre deux bandes noires. En termes de genre, la réalisatrice convoque la comédie musicale classique au détour d’une scène ; les paroles sont mièvres mais la mélodie froide et mélancolique sonne plus moderne et prépare à la tragédie à venir. De même, l’inspiration thriller des années 1970/1980 se matérialise clairement par un zoom très rapide sur le téléphone fixe pour retranscrire le sentiment d’emprisonnement de Blanche.
À l’instar des symboles d’innocence et de luxure associés au prénom de Blanche et de sa sœur jumelle Rose (aussi incarnée par Efira grâce au découpage méticuleux des plans), les couleurs occupent une place symbolique. Alors que les scènes à l’extérieur du foyer conjugal sont habitées d’un blanc du terrain neutre, les scènes nocturnes au sein de la maison marquent l’opposition classique bleu/orange. Mais un conflit encore plus pertinent se construit entre les scènes d’amour noyées dans une lumière rouge patineuse et le vert des flashs d’angoisse de l’emprise du mari ; deux couleurs puissantes et complexes à manier, surtout quand on tourne en pellicule ; deux couleurs symboliques : l’amour et les forêts.
Gwendal Ollivier