Anatomie d'une chute


Anatomie d'une chute
Réalisateur :
Justine Triet
Pays d'origine :
FR
Titre original :
Anatomie d'une chute
Durée :
2h30
Année :
2023
Date de sortie nationale :
23/08/2023
Genre :
PO,DR,TH
Casting :
Sandra Hüller, Swann Arlaud, Milo Machado Graner, Antoine Reinartz, Samuel Theis…
Synopsis :
6 César 2024 dont meilleur film, meilleure réalisation, meilleure actrice et meilleur acteur dans un second rôle
Oscar 2024 du meilleur scénario original
Palme d'Or du Festival de Cannes 2023


Sandra, Samuel et leur fils malvoyant de 11 ans, Daniel, vivent depuis un an loin de tout, à la montagne. Un jour, Samuel est retrouvé mort au pied de leur maison. Une enquête pour mort suspecte est ouverte. Sandra est bientôt inculpée malgré le doute : suicide ou homicide ? Un an plus tard, Daniel assiste au procès de sa mère, véritable dissection du couple.
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sorti le 23/08/2023

La Palme d’or 2023 qui a fait polémique sort enfin dans nos salles. Malgré le discours puissant et accusateur de la réalisatrice Justine Triet sur la croisette, son nouveau film n’a rien à voir avec la politique sociale et culturelle du gouvernement. Écrivaine à succès, Sandra (interprétée par l’excellente Sandra Hüller), est agacée par son mari qui a interrompu son entretien avec une jeune étudiante. Leur fils Daniel, parti promener son chien dans les montagnes enneigées qui entourent la maison isolée, découvre à son retour le corps de son père inanimé dans la neige, le crâne ouvert. Justine Triet nous embarque alors dans un thriller classique dans son fond mais original dans sa forme, virant rapidement au film de procès.

Malgré un rythme posé, la réalisatrice maintient l’attention du spectateur par sa mise en scène inventive, à coup d’effets lorgnant parfois avec le criard (zooms, mouvements de caméra subjectifs très rapides, utilisation d’une caméra amateur sur certains plans), d’autres fois avec l’expérimental (très gros plans sur des parties de corps pour créer une focalisation ou une sensation de malaise), ou encore avec la volonté de remplacer des cuts par des mouvements. Ainsi, alors que le jeune Daniel témoigne à la barre, la caméra suit son regard de droite à gauche, de l'avocat de la défense à l'avocat général, submergé par deux visions qui décrivent trop de faits. Le jeune Milo Machado Graner livre une performance tout en subtilité dans la peau de Daniel, tiraillé entre ses souvenirs, l’envie de connaître la vérité et la peur de perdre aussi sa mère.

Hélas, la réalisatrice tombe dans l’écueil de la quête d’originalité très auteuriste en optant pour un ratio de cadre 1,85:1 et des lentilles anamorphiques déformant les bords de l’image salie par un grain numérique prononcé. Sur cette lancée, le générique omet les majuscules aux noms et aux titres pour se donner un côté rebelle tandis qu’une reprise au piano hésitante d’Isaac Albéniz est jouée en fond par le jeune Daniel. Les notes incertaines du générique laissent toutefois place à une reprise très prenante du morceau alors que le film opère une ellipse bienvenue. Élément central du métrage et du procès, la musique est rare mais méticuleusement choisie. En plus de celle jouée par le fils, la mère interprète un Prélude de Chopin tandis que le père écoute une reprise de 50 Cent sur la violence d’un couple au moment des faits. Cette scène introductive souffre malheureusement d’un mixage étrange qui empêche de situer la musique dans l’espace de la maison puis à l’extérieur lorsque la caméra suit l’étudiante jusqu’à sa voiture.

À l’encontre de ses décors immenses et immaculés de montagnes, la réalisatrice parvient à créer un sentiment d’oppression et d’enfermement qui se tient du début à la fin. Alors que les couches de la relation complexe du couple se dévoilent les unes après les autres, la fin nous laisse le sentiment amer du réel en bouche ; une profonde anatomie certes mais sans réelle chute.

Gwendal Ollivier