sorti le 27/09/2023
Dès ses débuts sur Monsters en tant que réalisateur, scénariste, directeur de la photographie et des effets visuels, Gareth Edwards a démontré son talent évident pour mettre en forme des créatures étranges mais surtout pour filmer le grandiose. C’est donc tout logiquement que Warner lui confie la réalisation du remake de Godzilla en 2014. Grimpant un palier supplémentaire sur l’échelle des studios, le réalisateur britannique se voit ensuite confier la réalisation du premier spin-off de Star Wars, Rogue One : A Star Wars Story. Après le monstre destructeur de ville, ses grands angles et son découpage et cadrage millimétrés rendent toute la démesure de l’Étoile de la mort, destructrice de planète. Livrant le seul bon film de la franchise depuis le rachat de LucasFilm par Disney, Gareth Edwards s’ouvre grand les portes pour la suite. Et pourtant, il aura fallu attendre sept ans pour qu’enfin le réalisateur sorte un nouveau long métrage.
Restant sur le terrain de la Science-Fiction, Gareth Edwards compose cette fois dans notre univers mais en 2065. Alors que les IA ont pris une place essentielle dans nos sociétés, le bombardement de Los Angeles incite les américains à entrer en guerre contre les machines. Si le speech peut rappeler Terminator, il n’en est rien sur le discours antipatriotique américain qui place la valeur de l’existence des IA sur un pied d’égalité avec la valeur d’une vie humaine. Réfugiées en Asie, les IA vivent parmi les hommes comme leur égal mais la dernière arme de pointe des américains plane dans le ciel pour traquer ses ennemis. Ainsi, le Nomad évoque nettement l’Étoile de la mort du précédent film du réalisateur à la fois dans sa puissance de feu mais aussi dans son rôle de menace visuel planant dans le ciel. Toutefois Gareth Edwards ne parvient pas à retranscrire aussi clairement l’envergure du Nomad.
Quid des personnages ? L’écriture des protagonistes est définitivement la plus grosse lacune du réalisateur qui peine à dépasser les archétypes pour créer des personnages vivants. Défaut évident de ses précédents films, le manque d’attachement aux personnages rend les histoires bien moins prenantes. Ici, la performance de John David Washington n’est pas sans rappeler son rôle du « Protagoniste » dans Tenet de Christopher Nolan ; un soldat manquant d’émotion qui va de scène d’action en scène d’action. Gareth Edwards lui ajoute sa fameuse quête de rédemption familiale mais les ficelles scénaristiques demeurent trop grosses.
Manquant ironiquement de temps pour développer ses personnages, le réalisateur en perd beaucoup à exposer son univers. La progression dramatique de la première heure de film est donc peu efficace, ralentie par l’enchainement de scènes d’action manquant d’enjeu. Bien que prévisible, le climax gagne en énergie et offre au public ce à quoi il s’attendait. Les déplacements invraisemblables des personnages au sein du Nomad nuisent cependant à la crédibilité et l’ampleur du vaisseau.
Comme les premiers visuels le laissaient présager, la photographie est magnifique, le choix de ratio très étiré donnant une envergure aux décors naturelles desquels s’élèvent bâtiments industriels, temples et autres maisons. Le design atypique des robots policiers et rebelles (évoquant ceux de Rogue One) est crédibilisé par une qualité irréprochable d’effets spéciaux. À la musique Hans Zimmer livre une bande originale planante sans thème fort. Côté additionnelle, l’introduction du Nomad se joue sur une musique immersive de Radiohead tandis que quelques notes de Debussy s’incrustent au hasard d’une scène puis du générique. S’affranchissant des franchises, Gareth Edwards livre donc un film ambitieux dans sa forme mais trop classique dans son fond, une histoire entre une IA et son créateur.
Gwendal Ollivier