sorti le 18/10/2023
Toledano et Nakache sont de retour avec une comédie militante à contre-courant, emplie d’humour noir et d’envolées révolutionnaires. Albert (Pio Marmaï) et Bruno (Jonathan Cohen), deux célibataires surendettés, trouvent un filon prometteur lorsqu’ils croisent la route de jeunes militants écolos. Ouvrant sur une séquence millimétrée montée sur Sonic Riots de Grandbrothers, les réalisateurs nous plongent immédiatement dans l’excitation grandissante d’un rassemblement et démontrent en une séquence l’organisation exemplaire du groupe militant. Maîtrisée avec brio, cette séquence d’introduction nous présente la leadeuse du mouvement surnommée Cactus (Noémie Merlant) face au premier des deux galériens, Albert, en opposant conviction écologique et égoïsme humain poussé à son paroxysme.
Tirant dans toutes les directions, les réalisateurs se moquent d’abord des consommateurs qui se jettent sur les réductions et s’arrachent les produits tels des animaux avec un bout de viande. Au contraire, les actions du groupe militant sont parfaitement iconisées par les musiques entraînantes de Grandbrothers, de retour après Hors normes. Pourtant, si les actions militantes sont mises en avant comme des accomplissements héroïques pour l’environnement, les surnoms et les principes extrêmes des membres sont constamment moqués par le duo d’incrustés. L’opposition entre Albert et Bruno et les membres du groupe est parfaitement mise en parallèle par les appartements de Cactus et de Bruno ; l’un est vide par conviction politique, l’autre par soucis d’argent.
Au casting l’alchimie prend aussitôt entre les membres de ce trio de têtes d’affiches grimpantes du cinéma français. À mi-chemin entre le bobo, le menteur, le dépressif, le rigolo et l’idiot, Jonathan Cohen reste fidèle à son personnage pour notre plus grand plaisir. Écologiste convaincue et leadeuse charismatique, Cactus (Noémie Merlant) est habitée des conflits d’une éco-anxiété profonde, rongée par la culpabilité. Face à elle, Pio Marmaï campe le « mec normal » par lequel les réalisateurs nous invitent au récit. Il est celui qui a une famille brisée, celui qui veut s’en sortir quoi qu’il en coûte, et celui qui a une marge de progression assurée pour connaître une rédemption.
[SPOILERS]
Et pourtant, au moment du coup ultime censé mener à cette rédemption attendue, Cactus est plongée dans le coma. Le monde dans lequel elle se réveille confirme bien le regard ironique-tragique que les réalisateurs posent sur le mouvement présenté dans le film. Glorifiant un monde où les rues sont absolument désertes, sans voiture, sans vélo et sans passant, Toledano et Nakache dénoncent subtilement la limite d’une utopie écologique. À l’image de la chanson mélancolique de Jacques Brel reprise ici dans une version colombienne décontractée, la mise en scène des réalisateurs célèbre des images que nous reconnaissons tous ; des rues désertes, une population confinée, des voisins applaudissant et frappant des casseroles à leur fenêtre. À travers le regard de Cactus, les réalisateurs nous montrent une victoire, sa victoire, mais certainement pas leur victoire. Si le parcours classique de rédemption d’Albert l’emprisonne dans le monde déshumanisé mais éco-responsable fantasmé par Cactus, Bruno n’évolue pas d’un poil et continue de profiter de son entourage tel un parasite prêt à affronter une nouvelle année difficile.
Gwendal Ollivier