sorti le 01/11/2023
Dix ans après Le Vent se lève, le grand génie de l’animation Hayao Miyazaki sort de sa retraite pour livrer un film particulièrement laborieux. Après la disparition de sa mère dans un incendie, Mahito, un jeune homme de 11 ans, doit quitter Tokyo pour partir vivre à la campagne avec son père et sa belle-mère. À l’instar du lapin d’Alice, un majestueux oiseau ailé va guider Mahito jusqu’au terrier et le pousser dans une aventure sans queue ni tête.
Exemplaire dans son style d’animation 2D bien connu de tous, Miyazaki glisse des touches de renouveau en incrémentant des références picturales métaphoriques aux décors de la dernière partie du métrage. Malheureusement le style d’animation effrayant typique des personnages étranges du réalisateur (grand nez rouge, yeux globuleux, démarche disgracieuse) ruine l’élégance poétique de l’animal éponyme. S’amusant constamment avec la dualité animale entre violence et beauté, Miyazaki peint une fois de plus des images surprenantes, notamment avec les perruches.
Reposant confortablement sur ses visuels, il néglige toutefois énormément l’univers sonore du film qui contribuait pourtant à la richesse de ses précédents. En dehors des dialogues, des bruitages de pas et de la musique très présente, les sons d’ambiances se font rarissimes. Le vent dans les feuilles, le chant des oiseaux, le bruit de l’eau, tous ces sons qui construisaient la richesse sonore de la nature laissent place au silence total, abandonnant le spectateur aux bruits du pop-corn et aux messes-basses des enfants qui s’ennuient fermement dans la salle. Fidèle au poste, Joe Hisaishi livre une bande originale peu inspirée. Au travers des notes de piano qui se succèdent sans former de thème, quelques instruments s’ajoutent à la partition pour ériger des envolées épiques qui peinent à faire décoller l’action.
[SPOILERS]
Après une première partie d’errance dans le cadre réaliste du vieux manoir de campagne, le fantastique s’invite au récit et le film se transforme radicalement ; chaque action s’enchaîne sans lien avec la précédente tandis que les enjeux apparaissent lorsque les adjuvants les énoncent au protagoniste. En plus d’une impression de pot-pourri de ses précédents univers, le réalisateur japonais ne dessine pas d’enjeu global à la quête de Mahito qui ne cesse de changer d’objet. Entre le deuil terrible d’un enfant, l’acceptation soudaine d’une belle-mère comme « nouvelle maman », sa quête mystique, les univers parallèles, la rencontre avec une fille de feu qui est en fait sa mère et peut-être aussi la sœur de sa belle-mère, et le brassage des thématiques habituelles du Studio Ghibli (écologie, découverte de soi…), Miyazaki semble se perdre dans son propre récit comme s’il ne savait lui-même plus que raconter. À force de confronter trop d’idées, de personnages et de thématiques antinomiques, le métrage finit par ne plus se tenir comme une œuvre cohérente et dessert complètement la quête abracadabrantesque du garçon et du héron.
Gwendal Ollivier