Un Silence

Porté par un solide duo d’acteurs, le nouveau métrage de Joachim Lafosse tombe dans les travers d’un drame familial suggestif. Daniel Auteuil et Emmanuelle Devos n’ont assurément plus rien à prouver, mais l’écriture de leur personnage les rend plats et peu attachants. Accusé de pédophilie, l’avocat incarné par Auteuil se retrouve assailli par la presse tandis que sa femme (Devos) et son fils tentent de digérer les informations à leur manière. Occupant laborieusement les scènes par des interactions molles, les scénaristes oublient que si le temps est souvent un élément essentiel pour libérer la parole, il n’en demeure pas moins important d’utiliser celui du film pour construire solidement les liens familiaux afin de mieux pouvoir les remettre en question.

Dans une démarche de sobriété, le réalisateur épure sa mise en scène à l'extrême. Si certaines séquences ont le droit à trois ou quatre plans pour couvrir leur action et dialogues, la plupart sont composées d'un unique plan large, fixe ou avec de légers panoramiques pour suivre un personnage. Nombreuses, les scènes en voiture sont systématiquement filmées de la même façon : un long plan fixe en gros plan sur un personnage de 3/4 dos noyé dans le flou. Tout aussi sobre et peu inspirée la musique appuie certains morceaux de séquence. Les quatre mêmes accords de cordes frottées suivent un tempo régulier et ponctuent le film avec redondance.

[SPOILERS]
Timidement, le dernier segment du métrage vient bousculer ces codes rigides. Alors que le fils s'en va en soirée, la caméra filme le personnage de face dans la voiture tandis que la musique dramatique laisse place à de l'électro, en contradiction avec la tristesse interne du conducteur alcoolisé. Répondant sans audace en hors champ à l'accusation qui ouvrait le métrage, la fin enchaîne les plans longs sur les visages des acteurs pour capter toute la subtilité pompeuse du silence.

Gwendal Ollivier