Challengers


Challengers
Réalisateur :
Luca Guadagnino
Pays d'origine :
US
Titre original :
Challengers
Durée :
2h11
Année :
2023
Date de sortie nationale :
24/04/2024
Genre :
DR,RO
Casting :
Zendaya, Mike Faist, Josh O'Connor…
Synopsis :
Tashi Duncan, une ancienne prodige du tennis devenue entraîneuse et une force de la nature ne s’embarrasse pas d’excuses pour son jeu sur le court et en dehors. Mariée à un champion en perte de vitesse, la stratégie de Tashi pour la rédemption de son mari prend une tournure surprenante lorsqu’il doit affronter Patrick, son ancien meilleur ami et l’ancien petit ami de Tashi. Alors que leur passé et leur présent s’entrechoquent et que les tensions sont à leur comble, Tashi doit se demander ce qu’il lui en coûtera de gagner.
Filtres
Version
Format
image
confort
son
Version
Format
image
confort
son

sorti le 24/04/2024

Révélé par l’Oscar du meilleur scénario adapté pour Call me by your name, Luca Guadagnino explore les notions du désir charnel en questionnant la moralité de ses personnages. Avec ses partis pris esthétiques tranchés, le réalisateur italien attise la curiosité du public et émoustille la presse avide de technique ; et ce dernier long métrage s’en donne à cœur joie. Tashi Duncan, joueuse de tennis devenue entraîneuse, décide de se consacrer à la carrière de son mari, Art Donaldson, le faisant passer de joueur médiocre à champion du Grand Chelem de renommée mondiale. Pour le sortir d'une récente série de défaites, elle le fait participer à un tournoi où il se retrouve face à Patrick Zweig, son ancien meilleur ami et l'ancien petit-ami de Tashi.

Construit autour de la finale décisive du tournoi entre les deux anciens amis, le film se développe par des retours dans le passé justifiant toute la rivalité et les enjeux cristallisés par ce match pour les trois personnages. Sans recourir à des rajeunissements numériques comme le de-aging au rendu toujours perturbant, les acteurs se transforment pourtant véritablement sur les dix ans de la narration. Par un travail subtil et inégalable du maquillage, les trois comédiens sont projetés dans l’adolescence, les joues plus dessinées, la peau visiblement plus douce, les cheveux en désordre, avant d’évoluer vers un style très millimétré pour les mariés et au contraire plus délaissée pour leur adversaire qui n’a pas eu la chance de connaître leur succès.

Froide et charismatique, Zendaya incarne parfaitement cette femme d’affaire directive qui vit sa passion à travers son mari, comme un parent qui pousserait son enfant à accomplir les exploits qu’il a lui-même manqué. Révélé en 2021 dans le sublime West Side Story de Spielberg, Maik Faist incarne un mari incertain, aveuglé par l’amour et complètement dominé par sa femme. Face à eux, John O’Connor arrache la sympathie du spectateur dans son interprétation de Zweig, ce loser magnifique qui malgré l’échec ne doute jamais de sa valeur, arborant son sourire arrogant et un charme évident.

Compositeurs des derniers films de David Fincher, Trent Reznor et Atticus Ross livrent une bande originale dans un style house music uniforme qui lisse chaque scène sur le même ton. Incapable de se taire pendant un simple échange de regards, la musique pointe le bout de son nez pour s’éteindre aussitôt, à la limite du grotesque. Si elle se révèle efficace dans les séquences de tennis pour appuyer la montée en tension, elle gâche certaines scènes de dialogues comme celle du sauna dans laquelle les paroles sont noyées sous la puissance de ces bits secs au rythme peu adapté à l’échange.

Mais la modernité de la musique est contre balancée par l’esthétique pellicule cher au réalisateur. Cadrant régulièrement ses protagonistes en gros plans, Guadagnino met à profit le grain du 35mm pour donner de la texture aux peaux dégoulinantes de sueurs. Très proche des personnages, la caméra se pose en observatrice ou imite au contraire furtivement le va-et-vient des regards pour sublimer l’énergie des échanges. Toujours à la recherche de l’angle le plus original, le réalisateur aligne dans sa séquence finale les effets entre le malin et le tape à l’œil (angle sous le terrain, caméra embarquée aux joueurs puis à la balle…). Utilisant un élément installé plus tôt de manière anodine, Guadagnino retourne brillamment la situation finale pour nous surprendre quant au destin inattendu voire improbable de ce trio de challengers.

Gwendal Ollivier