sorti le 18/09/2024
Diffusé en avant-première au festival du cinéma américain de Deauville, ce premier film de Simon Moutaïrou traite d’un thème très rarement abordé au sein de notre production audiovisuelle, celui de l’esclavage. En 1759, Massamba et Mati, esclaves dans la plantation d’Eugène Larcenet, vivent dans la peur et le labeur. Lui rêve que sa fille soit affranchie, elle de quitter l’enfer vert de la canne à sucre. Une nuit, elle s’enfuit. Madame La Victoire, célèbre chasseuse d’esclaves, est engagée pour la traquer. Massamba n’a d’autre choix que de s’évader à son tour. Par cet acte, il devient un « marron », un fugitif qui rompt à jamais avec l’ordre colonial.
L’acteur principal, Ibrahima Mbaye incarne les nuances de son personnage prisonnier entre le rôle du « bon esclave » qui obéit à son maître mais cherche tout de même à s’instruire en apprenant la langue des colons et celui du père prêt à tout pour sa fille. Malheureusement, le réalisateur ne parvient pas à créer un attachement solide à ce protagoniste. En dépit d’une belle photographie, le film souffre d’un surplus de scènes de nuit souvent sous éclairées. Si cela apporte un réalisme certain et une esthétique intimiste, elle complique en revanche la lecture des visages à la peau noire qui reflètent par essence peu la lumière. Loin du travail millimétré d’un Jordan Peele, le réalisateur français cherche à créer un film d’ambiance avec ses apparitions fantomatiques.
Mais le métrage se construit surtout autour de sa dimension de thriller, avec la traque par Madame La Victoire (Camille Cottin) qui structure le film sans jamais parvenir à faire monter une forme de tension. Entre l’intérieur des cases du début de film et les forêts denses de la fuite, les décors restreignent l’espace et ne sont jamais mis en valeur par la caméra. Il aurait pourtant été pertinent d’opposer la beauté de l’environnement paradisiaque de l’île Maurice à l’enfer que vivent les personnages. Mais le manque d’attachement initial aux protagonistes rend déceptif leur parcours et leur courage alors même qu’ils sont prêts à tout pour ne plus avoir ni chaînes ni maîtres.
Gwendal Ollivier