sorti le 02/10/2024
Après un premier film acclamé par le public, la critique et même le festival de Venise où il avait reçu le Lion d’or, cette suite arrive sans que personne ne l’ait demandé. Si les qualités plastiques du premier sont toujours présentes notamment son étalonnage verdâtre atypique et ses thèmes aux cordes frottées composés par Hildur Guðnadóttir, l’écriture perd quant à elle toute sa subtilité. Convoquant plusieurs genres antinomiques, le réalisateur construit son film comme une réponse à certaines réactions de fans du premier. En plus de donner l’impression d’un métrage sur-explicatif, le mélange des genres ne prend pas car Todd Phillips n’excelle dans aucun d’entre eux.
Tout d’abord sur le plan musical, aspect reproché par beaucoup, les morceaux ne sont jamais réellement inclus comme un élément clé de la narration. Bien trop présentes, les musiques servent à expliciter les évènements du premier film déjà rabâchés oralement durant le procès. Souvent développés comme des projections imaginaires d’Arthur Fleck, ces passages en musique ne font pas preuve d’une grande créativité. En dehors d’un joli jeu sur l’ombre de la silhouette de l’acteur qui camoufle son visage et conserve le flou sur la présence ou non de maquillage (reprenant l’idée du cartoon d’ouverture), les décors rappellent le show télé du premier film. Loin de la mise en scène explosive d’Audiard dans Emilia Pérez ou du talent de danse qu’on est en droit d’attendre d’une comédie musicale, le métrage n’arrive même pas à rendre ses reprises marquantes.
Ensuite, le film se déroule entre deux lieux majeurs : la prison et le tribunal. Les codes de ces genres sont alors laissés de côté sans être remplacés par quelque chose d’intéressant. Dans la prison, Arthur n’est jamais réellement en danger et n’a pas besoin de former quelconque alliance pour s’en sortir ; au tribunal, le mystère qui tient en haleine dans tout bon film de procès est ici inexistant puisque le procès revient sur des crimes auquel nous avons déjà assisté. Se permettant des aberrations comme le passage où il vient maquillé au procès, le film oscille entre le réalisme pur et dur et le fantasque plus proche du personnage des comics.
Cela emmène enfin au dernier point, celui d’une adaptation ratée. Si faire des origines du personnage un homme misérable, dépressif et souffrant d’un rire maladif dans le premier film pouvait déjà contrarier plus d’un lecteur de comics, c’est ici tout l’univers et le casting principal qui pâtissent de ces choix d’adaptation. Alors qu’Arkham ressemble à n’importe quelle prison américaine et Harvey Dent à n’importe quel avocat, c’est surtout la relation de romance toxique qui est complètement gâchée. De psychiatre manipulée par la folie du clown de Gotham, Harleen Quinzel devient une bourgeoise manipulatrice amoureuse d’une image de révolution mais méprisant profondément le pauvre homme derrière le maquillage.
Porteuse du message de la foule, elle représente le fan toxique que le réalisateur dénonce pendant 2h. Faisant la leçon à tous ceux qui n’ont pas compris que le message révolutionnaire du premier film contre les riches et la société émanait d’un personnage mentalement instable, le réalisateur le martèle à coup de poing en rejouant tout le premier film au procès puis toutes les pensées d’Arthur en musique. Au terme de cette narration stagnante, le réalisateur décide enfin de faire exploser son métrage pour l’emmener dans la direction qu’il aurait dû prendre dès la fin du premier acte à savoir, la réaction de la foule de fanatiques face au mouvement initié par la folie solitaire du Joker.
Gwendal Ollivier