sorti le 09/10/2024
Créateur et doubleur de Stitch, Chris Sanders quitte Disney en 2007 pour rejoindre DreamWorks avec une nouvelle bête tout aussi mignonne et dangereuse en réalisant Dragons. À l’encontre des studios Pixar toujours exemplaires et réguliers dans leur qualité mais dont le dernier éclair de génie remonte à Soul, DreamWorks enchaîne des projets peu ambitieux entre lesquels se cachent parfois de véritables chefs d’œuvre. Retournant la critique et le public avec le deuxième opus inattendu du Chat Potté, DreamWorks avait livré un film aussi profond dans ses thématiques que magnifiquement recherché dans sa forme et son esthétique.
Avec une direction artistique bien différente ce film renouvelle cet exploit. Reprenant certains gimmicks visuels du Chat Potté 2 notamment son animation 3D texturée à la manière de peintures mouvantes, le métrage brille par sa beauté. Dans un brouillage constant entre réalisme et figuratif, les couleurs subliment chaque morceau du cadre. Cette double volonté se retrouve dans l’animation de l’eau : quand la caméra est immergée, l’eau est animée avec un réalisme 3D irréprochable tandis que lorsqu’elle filme sa surface, les reflets de l’environnement s’approchent bien plus d’une peinture 2D. Très douces, les couleurs pastelles de la nature (bleu, vert et marron) sont contrastées par le rouge des flammes semblables à des explosions de peinture mais aussi et avant tout par la blancheur froide et mécanique de la protagoniste.
Alors qu’elle s’échoue sur une île inhabitée, l’unité ROZZUM 7134, surnommée Roz, cherche désespérément une mission auprès des animaux qui la rejettent. Écrasant par mégarde le nid d’une oie, elle trouve enfin une mission : aider un petit oison orphelin à prendre son envol. Épaulée par un renard espiègle, Roz va devoir mettre à mal sa programmation pour parvenir à ses fins. Jouant sur son décalage comportemental, la première moitié de métrage est animée d’une énergie comique contrastée par la seconde moitié. Après nos rires, le film va chercher nos larmes en se reposant sur une écriture de personnage rondement menée et un développement de thématiques universelles entremêlées. Si celle de la force du vivre-ensemble résonnera chez le jeune public, ce sont surtout celles des liens de l’amitié, de l’altruisme, de l’adoption et de la parentalité avec la nécessité de laisser l’enfant voler de ses propres ailes, qui toucheront avec brio la sensibilité des adultes.
Pour pallier à l’immobilité inexpressive du visage de Roz, le réalisateur utilise les éraflures et traces de la nature, les mouvements étonnants de son corps reproduisant les déplacements de tous les animaux de l’île ainsi que les couleurs qu’elle émet pour retranscrire toute une palette d’émotions. Porté par la voix de Lupita Nyong’o, la protagoniste est soutenue par la voix malicieuse de Pedro Pascal sous les traits du renard, celle sage de Bill Nighy dans le rôle de Long-Cou et celle ronchon de Mark Hamill dans la peau du castor. Se hissant incontestablement parmi les grands films d’animation et certainement comme l’un des meilleurs films de 2024, il ne vous reste plus qu’à foncer en salle pour apprécier toute la beauté de l’aventure de ce robot sauvage.
Gwendal Ollivier