sorti le 23/10/2024
Toujours complexe à aborder, le genre du biopic musical tombe souvent dans les mêmes écueils : pas de grande audace de mise en scène, un effet playlist redondant, une progression magique du protagoniste et une histoire qui tente de couvrir de manière linéaire l’ensemble de la vie de l’artiste. Validé du vivant du chanteur français, le duo de réalisateurs a eu la décence de mettre le film en pause, se concentrant d’abord sur leur précédent film La Vie Scolaire, afin de ne pas surfer sur la vague du décès. Fils de réfugiés, petit, pauvre, à la voix voilée, on disait de lui qu’il n’avait rien pour réussir. À force de travail, de persévérance et d’une volonté hors norme, le jeune Charles Aznavourian est devenu un monument de la chanson, et un symbole de la culture française.
Remarquable dans son interprétation, Tahar Rahim livre une performance aussi brillante physiquement que vocalement. Formé au chant et au piano pour le rôle, l’acteur fait honneur au personnage qu’il interprète. Pourtant, ce choix de casting demeure étrange ; passé la première demi-heure où le visage de Tahar Rahim est lissé par un rajeunissement numérique mal maîtrisé qui nous sort du film plutôt que de nous y immerger, le maquillage est dans l’ensemble assez convaincant. Hélas, à force d’insister sur la petite taille et le physique désavantageux du chanteur, difficile de ne pas voir que l’acteur est trop grand et trop beau pour rendre crédible la discrimination que subit le personnage.
Bastien Bouillon l’accompagne avec son phrasé théâtral sans tomber dans le surjeu, pour former un body movie plaisant à suivre. Cette alchimie initiale est sournoisement mise à mal par l’intervention d’Édith Piaf, incarnée dans toute son extravagance par Marie-Julie Baup. Mettant à l’épreuve les relations de Charles, la chanteuse emmène d’abord le film dans une position risquée où le protagoniste devient peu aimable avant de le ramener sur le droit chemin classique et convenu de l’artiste qui réussira sans jamais se satisfaire de ses victoires. Empruntant la route balisée d’un parcours de personnage qui réussit miraculeusement alors que le métrage le montre constamment en train d’échouer pour augmenter artificiellement la tension dramatique, la seconde moitié se perd dans un enchaînement laborieux et répétitif de séquences musicales qui n’affectent ni le personnage ni son entourage.
Aussi scolaire que le chapitrage par titre de morceau écrit dans le carnet rouge, la mise en scène ne déborde jamais de son cadre ; champ-contrechamp classique pour filmer les échanges, gros plans sur les mains du chanteur pendant ses performances et quelques plans à la grue autour de la scène qui n’offrent ni point de vue particulier, ni discours par l’image. Souffrant d’un manque de thématiques, les deux réalisateurs évoquent en surface le racisme, l’homosexualité, mais surtout la destruction relationnelle engendrée par la passion du travail. Trop dilatée dans le temps sur l’ensemble de la vie de l’artiste, l’écriture suit le chemin déjà tracé de son ascension sans rentrer dans les détails d’un évènement spécifique qui aurait pu constituer le cœur émotionnel d’un bon film.
Aussi froid et normé qu’une page Wikipédia, le métrage a au moins le mérite de ne pas mentir ouvertement au spectateur comme pouvait le faire le tant aimé Bohemian Rhapsody. En dépit de quelques bonnes idées comme une séquence d’enregistrement d’un morceau calamiteuse qui s’achève par une reprise de Dr. Dre et Eminem, soulignant l’ouverture sur la nouveauté et les jeunes générations dont faisait preuve le chanteur, Mehdi Idir et Grand Corps Malade n’ont rien de captivant à raconter sur cette figure mythique du grand chanteur français, Monsieur Aznavour.
Gwendal Ollivier