Avez-vous déjà rêvé d’une meilleure version de vous-même ? Vous devriez essayer ce nouveau produit : The Substance. Il a changé ma vie. Il permet de générer une autre version de vous-même, plus jeune, plus belle, plus parfaite. Respectez les instructions : Activez une seule fois, stabilisez chaque jour, permutez tous les sept jours sans exception. Il suffit de partager le temps. C’est si simple, qu’est-ce qui pourrait mal tourner ?
sorti le 06/11/2024
Palme du Meilleur scénario au dernier festival de Cannes, le second long métrage de la française Coralie Fargeat aurait plutôt mérité le prix de la mise en scène. Elisabeth Sparkle (Demi Moore), vedette d’une émission d’aérobic, est virée le jour de ses 50 ans par son patron à cause de son âge jugé trop élevé pour ce poste. Le moral au plus bas, elle reçoit une proposition inattendue : un produit miraculeux qui, si elle se l’injecte, lui apportera « la meilleure version » d’elle-même, « plus jeune, plus belle, plus parfaite » grâce à une modification cellulaire.
Classique mais efficace dans son développement, le scénario présente des règles simples qui seront naturellement contournées une à une par la protagoniste. Avant même d’introduire le moindre élément de body-horror, la réalisatrice pose déjà sa note d’intention et immerge le spectateur dans son univers de paillettes dérangeant ponctué de musiques synthétiques pesantes et parfois redondantes. Vicieuse dans ses effets, elle multiplie gros plans et inserts sur des parties de corps, toujours accompagnés d’un sound design amplifiant chaque son pour les rendre répugnants. Ouvrant son film sur un plan zénithal de l’étoile de sa protagoniste sur le Hollywood Boulevard, sa baisse de popularité est résumée avec brio par l’image qui révèle la dureté du passage du temps, de la pose des lettres dorées dans le sol au plan final ironiquement tragique.
Avec cette thématique de double plus parfait de soi, difficile de ne pas relever l’inspiration d’Oscar Wilde et de son Dorian Gray divisé entre une apparence physique idéale et une intériorité imagée par son portrait pourrissant. De même, en termes de références, Fargeat ne cesse de citer Kubrick entre sa composition froidement symétrique des cadres, ses décors notamment le couloir et les toilettes du studio rappelant l’Overlook Hotel de The Shining, et ses voyages de conscience d’un corps à l’autre qui évoquent le passage psychédélique de la porte des étoiles de 2001 : A Space Odyssey, film qu’elle cite d’ailleurs plus maladroitement dans son climax en reprenant le thème de Richard Stauss pour appuyer le message de sa révélation finale.
[SPOILERS]
Citant explicitement Carrie de Brian De Palma, la réalisatrice achève son film dans une effusion de sang sur une foule prise de panique face à la monstruosité d’une femme toujours persuadée d’être la plus belle version d’elle-même. Évoquant encore un grand nom du cinéma, le design de Monstro ElisaSue rappelle le travail de prothèses remarquable de David Lynch sur Elephant Man mais la réalisatrice ne parvient pas à susciter l’empathie que Lynch construisait sur la durée complète d’un long métrage. Accusant le public de vouloir chercher l’uniformité dans la beauté féminine, la réalisatrice passe d’une angoisse corporelle « réaliste » à de l’action et du gore granguignolesque.
[Fin des SPOILERS]
Confrontée aux affres du star system et du patriarcat, la protagoniste sert de vecteur d’un discours vindicatif simpliste. Présentés soit comme des vieux blancs en costard (voire répugnants à l’image du producteur, subtilement nommé Harvey, incapable de manger proprement), soit comme des benêts incapables de résister aux charmes d’une femme, la galerie de personnages masculins tombe dans la caricature. Cette absence de nuance nuit à la réflexion sur le jeunisme pourtant au cœur des thématiques développées par l’utilisation de la substance.
Gwendal Ollivier