sorti le 27/11/2024
Pour sa troisième réalisation fictionnelle, Emmanuel Courcol s’attaque au sujet éculé de la rencontre entre deux personnages de classes sociales opposées qui sortent grandis de leur rencontre. Et pourtant, Courcol livre un film plus nuancé qu’il n’y paraît. Suite à un problème médical, Thibaut, chef d’orchestre de renommée internationale, apprend qu'il a été adopté. Il découvre l'existence d'un frère, Jimmy, employé de cantine scolaire et qui joue du trombone dans une fanfare du nord de la France. En apparence tout les sépare, sauf l'amour de la musique. Détectant les capacités musicales exceptionnelles de son frère, Thibaut se donne pour mission de réparer l’injustice du destin.
Salués à juste titre par la presse et le public, les deux acteurs principaux incarnent à merveille leur personnage. Possédé par ses performances scéniques, Benjamin Lavernhe retranscrit l'état maladif de Thibaut, appuyé par un travail de maquillage maîtrisé. Mêlant élégance et culpabilité interne, son jeu s’oppose à celui de Pierre Lottin, campant avec justesse une violence qui explose d’une spontanéité brute et constante. Par la richesse de son casting secondaire rempli de « gueules », le réalisateur dresse un portrait fin de la campagne, évitant l’écueil d’une lutte ouvrière idéalisée ou méprisée par un regard bourgeois.
[SPOILERS]
À l’encontre de films comme Le Brio d’Yvan Attal ou Ténor de Claude Zidi Jr., Emmanuel Courcol ne se contente pas de raconter le parcours magique d’un personnage d’une classe sociale inférieure s’élevant grâce à l’apprentissage d’un personnage d’une classe supérieure. De la réaction de Thibaut et celle de Sabrina face à l’inscription de Jimmy au concours, le film dresse le triste constat de l'impossibilité d'échapper à sa classe sociale. Si l’oreille musicale semble inscrite dans les gènes des deux frères, leur parcours de vie propulse l’un vers une carrière de passion mondialement acclamée et l’autre vers un travail purement alimentaire. Car si les films aiment parfois à nous laisser croire à la possibilité de bondir d’une classe à l’autre par la passion et la force de travail, il est malheureusement ardu d’échapper au déterminisme social. En dépit de l’échec, reste tout de même la musique, art transcendant l’idée de classes sociales pour réunir et partir en fanfare.
Gwendal Ollivier