sorti le 11/12/2024
Annoncé depuis 2021, ce préquel de l’une des plus grandes trilogies de l’histoire du cinéma a l’audace de revenir en Terre du milieu avec un projet véritablement différent. Pourtant, de l’aveu même du studio Warner, la sortie du film a été précipitée afin de s’assurer la conservation des droits d’adaptation cinéma de l’univers de Tolkien ; de quoi questionner les motivations d’un tel projet. S’ouvrant sur une narration en voix off d’Éowyn, qui succède assez logiquement à Galadriel, le film se déroule deux siècles avant les événements de la trilogie de Peter Jackson et adapte l’extrait suivant de l’Appendice A, Partie II, du Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien :
« Helm Hammerhand [...] fut un roi célèbre et redouté, mais la fin de son règne fut marquée par la guerre contre les Dunlendings. Ceux-ci, les ennemis héréditaires des Rohirrim, pénétrèrent dans les terres de Rohan, et ils furent la cause de la grande famine qui toucha le pays. Il y eut une longue guerre, mais dans l'intervalle, des bandes d'ennemis vinrent du sud. Et lorsqu'ils vinrent se jeter sur le pays de Rohan, il en résulta la grande guerre [...] et ils furent contraints de s’abriter dans les montagnes, là où la forteresse du Gouffre de Helm fut finalement construite pour protéger le peuple de Rohan. »
Le premier changement de scénario surprenant dans les choix d’adaptation est la décision d’avoir fait de la fille du Roi Helm, pas même nommée dans le livre, l’héroïne. Cette idée de mettre en avant des femmes dans l’univers très masculin de Tolkien avait déjà été l’ambition de Jackson qui donnait bien plus d’importance à Galadriel, Arwen et Éowyn dans Le Seigneur des Anneaux puis inventait même le personnage de Tauriel dans The Hobbit. Malheureusement, Héra est un stéréotype de femme forte et indépendante, adroite au combat sauf quand le scénario exige qu’elle soit plus faible, et qui ne connaît aucune évolution. Au contraire, Wulf incarne le méchant qui a mal tourné, sympathique au début puis stupide pendant le reste du film, il agit comme un mâle contrarié qui s’évertue à ne pas suivre les sages conseils qu’il reçoit.
Secondaire à l’intrigue, le roi Helm est donc le seul personnage à avoir un réel intérêt narratif et une construction mythologique intéressante. Capable de tuer un homme d’un coup de poing – d’où son surnom de Helm Hammerhand – le roi du Rohan devient l’objet de rumeurs qui frôlent le fantastique. Hélas si son dernier acte participe à l’édification de sa légende de monstre capable de renverser une armée à la force de ses poings, le réalisateur manque l’opportunité d’utiliser judicieusement le fan-service en faisant par exemple s’échapper les personnages par la porte qu'empruntent Aragorn et Gimli pendant la bataille du Gouffre de Helm.
Et pourtant, le fan-service est loin d’être avare. Entre les deux orcs (joués par les acteurs de Pippin et Merry) qui s’incrustent au détour d’une scène en quête d’anneaux pour le Mordor et le name-dropping des deux magiciens les plus connus de la Terre du milieu en fin de film, les scénaristes semblent écrasés par l’héritage du Seigneur des Anneaux. De même, en dehors d’un court thème original souvent joué aux cuivres, le compositeur Stephen Gallagher repompe les thèmes d’Howard Shore pour sublimer chaque action héroïque des chevaliers du Rohan ou évoquer un élément des anciens films. En plus de ne jamais atteindre la maestria des originales, ces réorchestrations donnent la sensation d'assister à une usurpation des ambiances d’un autre film, ne développant jamais des sentiments propres à ce métrage et à ces personnages auxquels on ne s’attache pas.
Enfin, s’il dépend de la sensibilité de chacun d’apprécier le style animé japonais dans l’univers de la Terre du milieu, il est en revanche objectivement difficile de prendre plaisir à regarder une animation aussi saccadée. Entre les mouvements de bras étranges et répétitifs des personnages dans les scènes de dialogue et l’imprécision désagréable des décors lorsque la caméra s’y balade virtuellement ou fait un 360 autour des personnages, le manque de budget se ressent clairement dans la dissonance entre 2D et 3D et dans l’absence globale de fluidité dans l’animation. Ainsi, l’issue des combats est constamment spoliée par la furtivité du coup fatal, nécessitant un second plan pour confirmer la mort du personnage touché. Face à la maîtrise visuelle du Robot Sauvage ou d’un film à budget réduit comme Flow, difficile de saisir les choix plastiques et narratifs qui ont mené à cette adaptation de la Guerre des Rohirrim.
Gwendal Ollivier