Pierre élève seul ses deux fils. Louis, le cadet, réussit ses études et avance facilement dans la vie. Fus, l’aîné, part à la dérive. Fasciné par la violence et les rapports de force, il se rapproche de groupes d’extrême-droite, à l’opposé des valeurs de son père. Pierre assiste impuissant à l’emprise de ces fréquentations sur son fils. Peu à peu, l’amour cède place à l’incompréhension…
sorti le 22/01/2025
Pour leur troisième co-réalisation, les sœurs Delphine et Muriel Coulin s’attaquent à l’adaptation du roman de Laurent Petitmangin, Ce qu’il faut de nuit, retraçant l’inquiétante radicalisation d’un jeune homme. Pierre (Vincent Lindon) élève seul ses deux fils. Louis (Stephan Crépon), le cadet, réussit ses études et avance facilement dans la vie. Fus (Benjamin Voisin), l'aîné, part à la dérive. Fasciné par la violence et les rapports de force, il se rapproche de groupes d'extrême-droite, à l'opposé des valeurs de son père. Pierre assiste impuissant à l'emprise de ces fréquentations sur son fils. Peu à peu, l'amour cède la place à l'incompréhension.
Toujours aussi bon dans le rôle du père ouvrier fatigué par le poids de la vie mais toujours prêt à se battre pour ses idées, Vincent Lindon donne du grain à moudre à ses deux jeunes partenaires de jeu. Têtes grimpantes du cinéma français, Stephan Crépon et Benjamin Voisin donnent vie à cet amour fraternel inconditionnel, teinté d’un déchirement idéologique mis en exergue par leur père. Alors que le petit frère avance dans les pas de sa défunte mère en candidatant pour des études de lettres, le grand se ferme complètement à ce qu’elle représentait. Ainsi, les femmes sont absentes de la narration, construisant subtilement le terrain propice à l’entrée dans le milieu masculiniste de Fus.
Adoptant pleinement le point de vue du père, perdu face à ce monde viriliste et fasciste, les réalisatrices ne posent pas de mot sur ce contexte qu’elles racontent uniquement par l’image. Entre usine désaffectée, dress-code noir imposé et des cheveux de préférence rasés, le train de vie de ces jeunes hommes radicalisés contraste avec la campagne et ses ouvriers puis Paris et ses Universités prestigieuses. Construisant l’opposition entre les deux frères au sein même du décor de la maison, les réalisatrices placent à plusieurs reprises la caméra face aux deux chambres ouvertes ; l’une aux rideaux jaunes ayant une ambiance chaleureuse, l’autre aux rideaux rouges ayant un ton plus inquiétant. Dessinant les frères en ombres chinoises dans ce cadre, l’action se sert de la couleur rouge qui inonde la chambre de Fus pour donner de la puissance visuelle à une dispute entre père et fils.
En montrant Fus se salir la bouche en mangeant ou cracher en criant, le duo de réalisatrices amplifie malheureusement le dégoût implicite que le spectateur doit ressentir à son égard. Le film aurait pourtant gagné à immerger davantage le spectateur dans la tête de Fus pour lui faire comprendre sa vision de la société, pour saisir au mieux la fracture entre père et fils, symptomatique du climat politique actuel. Malgré tout, le dénouement n’en reste pas moins difficile à encaisser pour ce père qui se retrouve impuissant face à un fils déterminé à jouer avec le feu.
Gwendal Ollivier