L'Amour c'est surcoté

En adaptant son propre livre, Mourad Winter livre une comédie romantique douce et actuelle. Diagnostiqué "nul avec les meufs" depuis son plus jeune âge, Anis (Hakim Jemili) mène une existence charnelle placée sous le signe du calme plat. Trois ans jour pour jour après la perte d'Isma, son meilleur ami et mentor, il prend son courage à deux mains. Il se lance enfin et fait ainsi la connaissance de Madeleine (Laura Felpin), jeune femme expansive, directe, entreprenante, hypercommunicante.

Pour ce premier passage à la réalisation, Mourad Winter maîtrise sa mise en scène de la sobriété du découpage et des mouvements de caméra à l’esthétisation de la lumière. Par des oppositions classiques bleu/orange, le réalisateur et son directeur de la photographie, André Chemetoff, apportent un cachet cocon plaisant à l’image. De même, le travail intimiste du son demande presque au spectateur de tendre l’oreille face aux premiers dialogues marmonnés d’Anis. Incarnant à merveille le mal-être mêlé à une forme de timidité de son personnage, Hakim Jemili lui donne immédiatement vie. Magnifiée par la caméra, Laura Felpin campe quant à elle un personnage bien différent et pourtant nécessaire pour répondre au manque de tact d’Anis.

Désormais habitué à la composition de bandes originales, le chanteur et multi-instrumentiste Bachar Mar-Khalifé livre une musique réconfortante et judicieusement utilisée dans le montage. Unique lourdeur du scénario, le passage dans la famille de Madeleine appuie un peu trop les trois membres de la famille par des caractéristiques distinctes qui, mises ensemble, semblent exagérées. Toutefois, l’écriture se rattrape dans son retournement final parfaitement amené et qui justifie habilement les scènes qui entrecoupent la narration linéaire du film. Car si Anis ne serait jamais allé de lui-même à ce casting, peut-être celui-ci lui fera-t-il enfin arrêter de croire que l’amour, c’est surcoté.

Gwendal Ollivier