sorti le 20/08/2025
Présente à Cannes dès son excellent premier film, Grave, Ducournau avait décroché la Palme d’or pour son second long métrage, Titane, bien plus dispersé dans ses thématiques et son envie de jouer avec les codes du drame social dans l’écriture et ceux de l’horreur dans la mise en scène. S’éloignant encore un peu plus du cinéma de genre, son dernier long métrage a reçu un accueil mitigé à Cannes, à raison. Alpha, 13 ans, est une adolescente agitée qui vit seule avec sa mère. Leur monde s'écroule quand, un jour, elle rentre d’une soirée avec un tatouage sur le bras qui pourrait être porteur d’un virus mortel et contagieux.
Construit sur deux temporalités volontairement confuses dans le déroulé de la narration, le film crée artificiellement une forme de mystère autour de l’oncle. Soulignées par un étalonnage grossier, les deux temporalités ont une note d’intention marquée : un présent grisâtre désaturé et surexposé dans les hautes lumières ; un passé qui baigne dans des couleurs chaudes uniformes. En dépit de quelques très gros plans sur des bras esthétiquement aboutis, la photographie n’a rien à envier aux délires visuels de Titane et à la retenue maîtrisée de Grave. Fidèle à la réalisatrice, Jim Williams participe une fois de plus à instaurer une ambiance étrange par ses compositions singulières.
Après Vincent Lindon, c’est au tour de Tahar Rahim d’incarner un personnage masculin, amaigri par sa dépendance, saisissant une forme de force brute détruite par le temps et les piqûres. Au centre du récit, la famille et ses liens ténus sont mis à mal par le poids du passé, des croyances, du regard des autres et du fameux virus. À l’instar du rôle anecdotique d’Emma Mackey, la métaphore évidente du sida n’est pas traitée dans l’écriture, bien que sa représentation visuelle soit parfaitement exécutée par un travail minutieux de prothèses et de maquillage. Portée par son duo d’actrices, le film prouve une fois de plus le talent de l’actrice franco-iranienne Golshifteh Farahani mais révèle surtout la jeune Mélissa Boros dans le rôle-titre.
En dépit de l’investissement de son casting, Julia Ducournau rend son scénario inutilement complexe avec sa narration dans le passé qui alourdit et étire le film à plus de 2h pour aboutir à une fin déceptive. À mi-chemin entre le film de genre et le drame social, la réalisatrice ne semble plus assumer une direction claire dans laquelle développer son récit et construire sa mise en scène, qui aurait probablement gagné à être orientée davantage autour d’Alpha.
Gwendal Ollivier