sorti le 24/09/2025
Semblant découvrir les chiffres alarmants du harcèlement qu’elle arbore en fin de film, la réalisatrice belge Solange Cicurel s’attaque pour son troisième film à un problème dont elle ne semble pas saisir la complexité, celui du harcèlement scolaire. Emma, une jeune fille de 16 ans bien dans sa peau, populaire dans son lycée, est tombée dans le coma. Alors que ses parents attendent anxieusement des nouvelles du médecin, la conscience d’Emma va se matérialiser hors de son corps pour essayer de remonter le fil des évènements qui l’ont mené là.
Abordé bien plus en profondeur dans des séries comme 13 Reasons Why ou plus récemment en thématique sous-jacente de l’excellente mini-série Adolescence, le harcèlement est désormais au cœur des préoccupations des gouvernements européens et de l’ensemble des personnels d’éducation. Pourtant, ce film semble ignorer que son action prend place dans un établissement scolaire, où il existe des dispositifs de lutte contre le harcèlement (par exemple pHARe en France), où des professeurs sont référents sur le sujet et où chaque membre de l’équipe pédagogique est à minima sensibilisé à la question du harcèlement scolaire.
Attendre les dernières minutes du film pour entendre parler de harcèlement ne rend pas le propos du film subtil, il atteste au contraire d’une méconnaissance du système et du climat scolaire actuel. Ce manque d’ancrage au réel donne l’image d’une équipe pédagogique incompétente, entre la professeure qui ne s’inquiète pas de laisser une élève passer l’heure entière aux toilettes et revenir les larmes aux yeux, les insultes de ses camarades en cours et les humiliations dans les couloirs par des dizaines d’élèves.
Le véritable problème de ce portrait grossier de situations de harcèlement est qu’il omet la dimension sournoise (consciente ou non) avec laquelle les harceleurs agissent afin d’échapper à la vigilance des adultes. C’est toute la difficulté du problème mais la réalisatrice préfère dépeindre une galerie de copines malveillantes, chacune caractérisée par un seul trait de personnalité. En plus de débiter des dialogues tout droit sortis de la bouche d’adultes écrivant des ados, le casting de jeunes comédiens souffre d’une mauvaise direction d’acteurs qui ne facilite pas l’immersion.
Seul point fort du métrage, la relation qu’entretient Emma avec ses parents sauve la narration par l’ajout du regard parental fait d’attentions, de gestes et de paroles justes et touchantes dans leur impuissance. Le père, incarné avec douceur par Stéphane De Groodt et surtout la mère, interprétée par la regrettée Émilie Dequenne, jouent avec justesse et transmettent des émotions puissantes, celles de parents démunis face à une fille qui se referme sur elle-même en leur balançant des « ça va, tkt ».
Gwendal Ollivier