sorti le 01/10/2025
Une nouvelle fois tourné dans la clandestinité, le 12e long métrage de Jafar Panahi a remporté la Palme d’or de Cannes 2025. Après une interdiction d’exercer de 20 ans, une condamnation de 6 et des interdictions de diffusion en Iran en raison de ses prises de position critiques vis-à-vis de la république islamique, le réalisateur iranien revient avec un film intrinsèquement politique. En rejoignant de nuit sa maison à la campagne avec sa femme enceinte et sa petite fille, Eghbal écrase un chien. Sa voiture tombe en panne devant le garage de Vahid qui croit reconnaître un vieil ennemi au son de sa prothèse de jambe qui grince. Vahid se lance alors dans une quête aux témoins pour certifier l’identité de l’homme.
Conditions de tournage obligent, le réalisateur filme la majorité de ses séquences en un seul plan, la caméra dérobée dans une voiture dans les scènes en ville et couvrant des espaces plus larges dans celles à la campagne, souvent en plan fixe. Refusant les échelles de plans trop proches de ses personnages, le Panahi instaure une distance qui ne facilite pas l’empathie et donne l’impression de regarder du théâtre filmé. Renforcé par la répétition des scènes et des situations (Vahid va chercher un nouveau personnage, ils embarquent dans le camion, les désaccords se complexifient), cet enchaînement de scénettes construites autour des dialogues évoque les trois unités classiques du théâtre et retarde la montée en tension finale.
Si on peut reprocher la dimension très verbeuse du métrage, les dialogues de Panahi sont en revanche très crédibles, chaque bribe d’information s’insérant toujours dans le contexte d’une scène et ne sonnant jamais comme un indice à destination du spectateur. Hélas, le métrage repose quasi exclusivement sur les acteurs (pas toujours justes) et les dialogues pour révéler progressivement le passé douloureux de ces personnages qui questionnent la justice d’une vengeance. Si l’un des éléments narratifs crucial est bel et bien cinématographique puisqu’il caractérise un personnage par son cliquettement de prothèse de jambe, le réalisateur s’en sert pour conclure sur une fin ouverte timide. Dommage que la Palme d’or paraisse consacrer l’engagement politique de Panahi davantage que son cinéma. Un geste fort, certes, mais qui pourrait aussi être perçu comme un simple accident.
Gwendal Ollivier