sorti le 26/12/2012
Détroit - Michigan - fin des années 60. En raison du flop de ses deux premiers albums, Sixto Rodriguez retourne travailler sur ses chantiers et replonge dans l'anonymat le plus total. Mais c'était sans compter sur l'improbable. En effet, pendant que seulement 6 exemplaires de son premier album sont vendus aux États-Unis, des millions de personnes s'arrachent « Cold Fact » en Afrique de Sud. C'est ainsi que le musicien devient, sans le savoir, le symbole d'une époque et d'une révolution.
Très peu de personne dans la salle - nous n'étions que 6 - et pourtant. ce film vaut le déplacement. « Sugarman » n'est pas seulement un documentaire sur un musicien : c'est l'histoire d'un homme, d'une rencontre, d'une époque. Et quelle histoire ! On ne peut pas rester indifférent face à ses hommes passionnés qui ont cherché pendant des années à redonner une identité à leur idole. Difficile de retenir ses larmes devant les retrouvailles entre Rodriguez, âgé, et son fidèle public dont il ignorait l'existence. On ne peut qu'être enchanté par le symbole qu'a représenté le premier album de Sugarman - « Cold Fact » - dans la lutte pour l'abolition de l'apartheid en Afrique du Sud. Cette pépite du 7ème Art est la concrétisation en image d'une aventure touchante, humaine et réellement incroyable qui donne à réfléchir : pourquoi l'artiste n'a-t-il eu aucun succès au États-Unis alors que toutes les conditions étaient réunies ? Comment Rodriguez a-t-il pu ignorer aussi longtemps son succès en Afrique du sud ? Comment l'argent de la vente de ses albums là-bas a-t-il circulé ?
Au-delà de l'histoire en elle-même, qui nous tient en haleine pendant les 85 minutes d'images, la bande son regroupant une bonne partie des chansons de Rodriguez ainsi que la réalisation du film (les passages en « dessin animé », les flashbacks, les plans historiques) rendent l'ensemble vraiment passionnant. Le jeune réalisateur, Malik Bendjelloul a su, avec peu de moyens mais beaucoup d'enthousiasme et de justesse, redonner vie à ce musicien oublié et à sa somptueuse discographie qui n'a rien à envier à celle de Bob Dylan ou de Johnny Cash. Pas étonnant donc que « Sugarman » ait reçu l'oscar du meilleur film documentaire.
Coraline Lafon