par Coraline Lafon
Tout d’abord, rappelons que Steven Spielberg est réalisateur, pas historien. La dimension historique de « Lincoln », bien qu’évidemment présente et richement exploitée, reste donc à nuancer : on ne peut pas réduire la carrière du 16e président des Etats-Unis à son combat pour l’abolition de l’esclavage, comme le dit d’ailleurs très bien André Kaspi, professeur émérite à la Sorbonne et éminent spécialiste de l'histoire des Etats-Unis, dans un article de Télérama.
Le réalisateur, pour des raisons scénaristiques, a donc ciblé son histoire sur un seul aspect – néanmoins important - du second mandat d’Abraham Lincoln, et en profite au passage pour humaniser au maximum ce dernier. En effet, tout au long des 2h40 de film, on découvre un Lincoln président, mais aussi un père et un mari, le tout dans des environnements sombres et tourmentés : entre la guerre de Sécession qui fait rage et une vie de famille plutôt dramatique, on assiste a des combats à plusieurs niveaux, menés par un homme comme les autres, plein de doutes et de tourments. Dans de nombreuses scènes, le président vit des instants de complicité ou d’intimité avec des membres de sa famille, porte une couverture sur son dos comme un vieil homme ou raconte des anecdotes avec humour et bienveillance, si bien qu’on finit par oublier qu’il s’agit finalement de la personnalité la plus puissante du pays.
Cet aspect humain ainsi que les nombreuses citations humoristiques, permettent de sortir un peu du huis-clos autour duquel est construit le film : entre le bureau du président et le Parlement, on reste finalement très cloitré dans cette atmosphère close et sombre et cela rend le film pesant et parfois monotone. Heureusement, certaines scènes, fortes en émotion, redynamisent l’ensemble : quand Lincoln hausse le ton pour la première fois par exemple, ou quand Thaddeus Stevens (magnifiquement interprété par Tommy Lee Jones) prend la parole au Parlement. La scène finale est également très poignante : à aucun moment la phrase « le 13e amendement est adopté » n’est formulée. Tout est suggéré par le montage, le silence, les ralentis, les expressions des visages. Cela donne une vraie intensité à ce passage.
Spielberg a su mettre en scène, de façon authentique, le jeu politique complexe de ce passage de l’histoire : entre complots, trahisons, négociations et corruptions, on constate que le vote pour l’émancipation des esclaves ne s’est pas fait sans remous. Les joutes verbales piquantes entre les différents représentants des parties sont également bien représentatives de cette bataille juridique épique.
Finalement, hormis les longueurs, « Lincoln » est un film à voir, d’une part pour se replonger un peu dans ses vieux cours d’Histoire, d’autre part pour la très belle performance de Daniel Day-Lewis, qui fut d’ailleurs récompensée par l’Oscar du meilleur acteur.
Coraline Lafon