Möbius

« L'idée de raconter une histoire d'amour dans un contexte tendu et dangereux, c'est ma femme qui me l'a soufflée. Elle voulait que je fasse un film comme Les enchainés (d'Alfred Hitckcock) et mes producteurs me poussaient à réaliser un thriller du même genre que celui que j'avais fait en 1993 pour Les patriotes. Finalement, j'ai mélangé tout ça et j'ai écris Möbius ». C'est ce que nous a confié Éric Rochant, le réalisateur, au cours de la conférence de presse qui précédait l'avant-première rennaise. Ce spécialiste de la titrisation était accompagné par les deux acteurs principaux : Jean Dujardin et Cécile de France. D'ailleurs, pourquoi les avoir choisis ? « Premièrement, ce sont de grands comédiens, nous explique Éric Rochant. Ils sont bosseurs, talentueux mais surtout, ils sont intuitifs : quand ils jouent, ils sont sincères, ils donnent la vérité. Deuxièmement, j'étais motivé par le fait que Jean et Cécile soient des comédiens populaires : ils ont un abord simple et sont appréciés du public et ça c'est important quand on réalise un film. »

Derrière ce long métrage, au titre volontairement énigmatique, se cache un scénario complexe : à partir du moment où le fonctionnement des services secrets (KGB, CIA) et les rouages du monde de la finance vous échappent, le film devient assez difficile à suivre. Pour autant, on sent que l'ensemble est bien documenté, et pour cause, Éric Rochant affirme maîtriser assez bien ces sujets délicats depuis Les Patriotes et son documentaire Traders. Mais l'histoire d'amour qui s'ajoute au synopsis ne facilite pas la compréhension de Möbius. Heureusement, la performance des acteurs permet de maintenir le cap. Dans ce film d'espionnage, loin du registre comique des OSS 117, Jean Dujardin élargit sa palette d'expressions en travaillant sa « stone face » (comme il le dit lui-même) et ça lui va plutôt bien. Cécile de France elle aussi est épatante, dans ce rôle de femme fatale lâchée dans le monde cruel des traders. Il faut dire qu'elle est allée jusqu'à prendre des cours de finance avec le metteur en scène pour préparer son personnage et lui donner plus de crédibilité. Le couple que forme les deux acteurs à l'écran est convaincant, un peu naïf certes, mais convaincant : les scènes d'amour entre Alice et Moïse sont intenses et le montage donne naissance à « une nouvelle manière de raconter l'amour, de filmer la jouissance » comme le dit si bien Cécile de France.

Möbius manque aussi sans doute un peu de scènes d'action, mais le cinéaste a fait le choix de privilégier une autre sorte de montage, sans doute plus réaliste pour un film d'espionnage : Il y a beaucoup de regards, de gros plans, on joue sur les moments d'attentes, les longueurs et finalement, pourquoi pas !

Coraline Lafon