par Coraline Lafon
Après « Shotgun Stories » et « Take Shelter », « Mud » est le troisième long-métrage de Jeff Nichols. Et pourtant, le réalisateur pense à tourner ce dernier film depuis le jour où, à l’université, il est tombé sur un album photos de gens vivant sur les bords du Mississipi. Intrigué et séduit par l’environnement du fleuve, il se dit alors que ce monde pourrait être intéressant à filmer. Et il avait vu juste : « Mud » (qui est aussi le nom d’une bière produite par l’état du Mississippi) nous fait voyager dans cet univers singulier, fait d’eaux et d’îlots, de poissons et de cabanons, de bateaux et d’aventures. Les plans filmés à la steadycam (cf. système stabilisateur de prise de vues utilisé en cinéma et télévision permettant la prise de vue à la volée, en travellings fluides, grâce à un système de harnais et de bras articulé) permettent de suivre le cours du fleuve, d’aller à son rythme, de prendre le temps d’admirer les paysages, les vols d’oiseaux, le soleil, le calme des rives. La bande-son, superbe et très justement assortie au film, renforce cet effet de balade au fil de l’eau, de découverte. À noter : c’est Ben Nichols, chanteur du groupe Lucero et frère du réalisateur qui interprète quelques chansons du film.
Le personnage d’Ellis, brillamment interprété par Tye Sheridan, est central car c’est à travers sa naïveté et ses croyances que l’on perçoit le film. Pendant que les parents de ce dernier se séparent et que la figure paternelle baisse faiblement les bras, Mud, lui, se bat coûte que coûte au nom de l’amour qu’il a pour Juniper. On comprend donc pourquoi Ellis cherche à aider cet étranger : c’est devenu pour lui un modèle, une raison de croire encore en ses valeurs. Cette histoire est une sorte de chemin initiatique vers l’amour et ses mythologies : passion, déception, mensonge, croyance.
D’un point de vue général, ce long métrage est très bon : Superbe casting (on retrouve par exemple Matthew McConaughey et Reese Witherspoon pour ne citer qu’eux), excellent jeu d’acteur, bonne bande-son, très beaux plans, le montage est fluide et l’histoire tient la route. Mais… mais il manque quelque chose. Le réalisateur a joué, pendant les deux heures d'images, sur le côté énigmatique des personnages : Mud est-il vraiment un menteur ? A-t-il utilisé les enfants égoïstement ? Juniper se moque-t-elle en fait de lui ? Quel rôle joue réellement le vieux Tom ? On s’attend donc, à la fin, à ce qu’un secret soit dévoilé ou au moins à un petit retournement de situation. Or, finalement, Jeff Nichols nous balance une happy end presque trop parfaite pour ne pas frustrer le spectateur. On reste donc un peu sur notre fin et c’est vraiment dommage. Mais surtout, que cela ne vous empêche pas d’aller à la rencontre de ce film qui vaut quand même vraiment le détour… de la rivière !
Coraline Lafon