par Coraline Lafon
Ce film fait l’effet d’un bon grog en plein hiver : ça pique, ça réchauffe et surtout, ça fait un bien fou. Très originale, cette réalisation de Riad Sattouf provoque à la fois l’étonnement, le rire et une réflexion intelligente sur le monde d’aujourd’hui. De quoi rendre fier le cinéma français ! Le jeune metteur en scène, qui connaît très bien Rennes, était présent au Gaumont de l’esplanade Charles-de-Gaulle le lundi 20 janvier dernier pour nous présenter en avant-première son long-métrage. Un moment d’échange très privilégié et incroyablement enrichissant !
Le casting de « Jacky au royaume des filles » est impressionnant : Vincent Lacoste, Charlotte Gainsbourg, Michel Hazanavicious, Didier Bourdon, Anémone et Valérie Bonneton entre autres. « Vincent Lacoste était déjà le personnage principal de mon premier long-métrage (« Les Beaux-Gosses »), raconte Riad Sattouf, « et je ne me voyais pas continuer sans lui. Pour Michel, j’ai toujours trouvé qu’il avait un visage à la fois viril, beau et bizarre, on dirait un personnage dessiné par Hergé ! Et comme je voulais que Julin ait ces caractéristiques, j’ai proposé au réalisateur de « The Artist » de passer devant la caméra. C’est avec inquiétude qu’il a accepté, mais finalement il a pris beaucoup de plaisir à jouer les acteurs. »
Mais, au delà du casting, le véritable point fort de cette comédie c’est le concept on ne peut plus original et décalé du scénario. Celui-ci avait d’ailleurs été écrit juste après la sortie des « Beaux-Gosses » en 2009 (tourné dans notre belle ville de Rennes !) et donc, avant le printemps arabe et la « manif pour tous » précise Riad Sattouf. Car en effet, « Jacky au royaume des filles » jongle, d’une façon hilarante certes mais néanmoins risquée, avec la religion, la politique, la domination homme/femme ou encore les traditions. L’oeuvre est définie par son créateur comme étant « le miroir de notre société actuelle ». Le long-métrage va d’ailleurs assez loin dans le renversement des clichés et le titillement des us et coutumes. Cela passe entre autre par le langage qui est minutieusement travaillé. Par exemple, les mots sont masculinisés : « une merde » devient « un merdin », « une culotte » devient « un culotin » etc. Certains passages du film sont très critiques, d’autres peuvent même heurter la sensibilité de certains. Car même si l’ambiance générale est clairement sur le ton de la rigolade, certaines scènes peuvent déranger. Mais Riad Sattouf se plait à provoquer ce genre d’émotions mitigées : « j’aime que les gens qui rigolent pour des choses un peu obscènes se demandent pourquoi ils le font » explique le réalisateur. Et c’est tout à son honneur !
Énormément de références aussi dans cette production : aux Inconnus par exemple, à Pascal Brutal (personnage d’une bande dessinée créée par Riad Satouff en personne) mais aussi à Cendrillon ! En effet, le jeune créateur s’est amusé à détourner le célèbre conte pour bien appuyer le fait que « le royaume des filles » porte bien son nom. Ce sont les hommes qui attendent impatiemment le bal où ils pourront rencontrer la belle Colonelle, et non l’inverse. L’humour peut aussi rappeler un peu l’univers atypique des Monty Python ou encore celui de la saga « OSS 117 ». Du second degré en veux-tu en voilà et des expressions qui vont forcément être reprises pendant plusieurs années au même titre que celles extraites de « La cité de la peur » ou de « Astérix et Obélix : mission Cléopâtre » !
Pour ceux qui avaient déjà été conquis par « Les Beaux-gosses », vous serez forcément heureux de retrouver l’immense talent de Riad Sattouf. Pour les autres, laissez-vous tenter par ce petit chef-d’œuvre du 21e siècle qui vous étonnera par son originalité, sa prise de parti et son humour. « Jacky au royaume des filles » ne vous laissera pas indifférent, c’est une certitude.
Coraline Lafon